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29/11/2005

Paresse Dada

Comme Fuligineuse, j’ai visité l’exposition Dada au Centre Pompidou à Paris. C’était mi octobre, juste avant les Rencontres, il faisait un temps superbe et quelque part rien que la vue sur Paris dans cette extraordinaire lumière si limpide, ça valait le coup. Sur l’exposition, ça m’a laissé une impression mitigée. J’ai eu beaucoup de plaisir à découvrir des œuvres que je ne connaissais que par des photographies, par leur réputation : Le Fer de Man Ray, la musique d’ameublement de Satie, la Joconde et l’urinoir de Duchamp… La projection d’Entracte de René Clair fait toujours plaisir aussi. Mais, bon, ce qui fait bizarre, c’est de retrouver toutes ces œuvres faites dans un esprit de contestation de l’ordre établi réunies dans une exposition si bien ordonnée. A découvrir tous ces programmes farfelus, ces plaisanteries artistiques, ces affiches en forme de poire, je me dis que leurs auteurs doivent se sentir un petit peu trahis. Qu’aurait-il fallu faire ? Je ne sais pas. Au moins, Que l’esprit qui souffle / Guidera leurs pas. Dans l’espace bibliothèque, j’ai toujours découvert l’Apologie de la paresse, un court texte poétique de Clément Pansaers écrit en 1917 et paru initialement en 1921 aux éditions bien nommées « Ca ira ! » à Anvers, un an avant le décès de son auteur. …

 

...Tout ce qui vit cagnarde

L’homme seul reste forçat

Entends-tu la joie diaphane

Des grands libertaires ?

 

Clément Pansaers a été un artiste inclassable, d’origine flamande mais d’expression française, doué semble-t’il de nombreux talents artistiques : gravure, peinture et poésie. Précurseur et représentant du mouvement dada en Belgique, il a fait preuve d’un bel esprit d’indépendance sur le fond comme sur la forme y compris vis-à-vis des divers mouvements artistiques de l’époque. Ainsi cet écrit qui puise ses racines tout autant dans Lautréamont pour la liberté d’écriture et l’esprit poétique, que dans l’incontournable Le droit à la paresse de Paul Lafargue (secrétaire et gendre de Karl Marx) pour le fond. S’il a la même puissance iconoclaste que le texte de Lafargue, Il reste pure poésie et une adresse directe à ce qui est pour lui une vertu et qu’il voit tour à tour comme une prostituée, une déesse, un état idéal. Adresse et aussi invitation au lecteur. L’écriture est recherchée et le vocabulaire d’une grande érudition. On sent l’amour des mots à chaque page. L’humour est constamment présent et les images riches comme issues de ces jeux de mots chers à dada comme aux surréalistes. On pourrait penser à de l’écriture automatique si ce n’était la précision gourmande des phrases. Il est bien connu de Lafargue à Corinne Maier que la paresse véritable demande le plus exigeant des travails.

…Je paresse…

Le fier mutisme indifférent du poisson dans l’eau.

La silencieuse insouciance de l’escargot sous la feuillée.

Je sens les arômes de la miellée…

Les arbres déambulent.

Le soleil broute l’herbe.

   
 

Feinte nonchalance. L’esprit se mêle à la forme. Le rythme et les sons choisis des mots embarquent dans une douce rêverie. Je paresse aussi.

Commentaires

"Ce qui fait bizarre c'est de retrouver toutes ces oeuvres dans une exposition bien ordonnée"...

Oui, visiter une expo finalement, c'est comme un "voyage organisé"... on prend le risque de passer à côté de ce qu'a vraiment voulu dire l'artiste... Et si l'on ne sort pas des sentiers battus, on ne regarde que les oeuvres présentées dans tous les guides...

Merci de nous parler ici de Clément Pansaers cet artiste, qui si justement disait :
"Devient gaga, celui qui trace sa trajectoire en ligne droite".

Écrit par : Lydia | 30/11/2005

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