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23/12/2005

Manu Larcenet

Bonne nouvelle, excellente nouvelle, même, Manu Larcenet, auteur de petits miquets vient de terminer le troisième tome du « Combat Ordinaire ». C'est lui-même qui l'annonce sur son blog, un blog tout jeune, plein de dessins forcément, et de son humour de proximité. Manu Larcenet, je voulais écrire dessus depuis un moment. C'est même pour écrire sur des gens comme lui, pour partager le plaisir intense qu'ils me donnent avec leur travail que j'ai ouvert l'Hispaniola. Il est devenu pour moi, depuis que je l'ai découvert avec « Le Retour à la terre » un de mes auteurs de chevet entre Sfar et Stassens.

 

Risquons la comparaison, Larcenet, c'est un peu Franquin. Ouf ! Si, comme lui, son style est immédiatement identifiable, nerveux dans le trait à la fois fouillé et lisible, percutant dans l'humour, un humour qui peut se faire tour à tour tendre, burlesque, grinçant ou du plus beau noir. Comme lui, il travaille beaucoup, enchaînant séries et collaborations, dessins et crobards de toutes sortes. Comme lui, si les situations et les détails sont réalistes, l'univers de ses histoires avec leurs personnages aux gros nez sont toujours dans la fantaisie. Comme lui, il utilise des éléments autobiographiques : ses collègues dessinateurs, son éditeur, lui-même. Comme lui, il s'adresse aux petits et aux grands et il aime dessiner des chats dingues et des oiseaux.

 

Manu Larcenet est aussi un auteur en prise sur son époque. Si je pense aux artistes représentatifs de ma génération, son nomme vient spontanément à l'esprit, bien plus que ceux d'écrivains sur lesquels je n'ai aucune envie de revenir. Comme chez, disons Miossec, Benabar ou Noir Désir pour la chanson, Podalydes, Despleschin ou Lioret pour le cinéma, je retrouve les même préoccupations, la même justesse d'observation, un même état d'esprit, des thématiques qui se recoupent souvent. Larcenet pourrait dessiner « Le vélo » de Bénabar et Miossec chanter les aventures du héros du « Combat Ordinaire ». Enfin, je crois.

 

Ce que j'aime beaucoup chez lui et d'une façon générale, c'est la rupture de ton. Personnages et situations peuvent basculer du drame à la comédie en deux cases. Ce qui est drôle dissimule mal les angoisses. Ce qui est grave est désamorcé par un éclat de rire. Un exemple parmi cent : l'influence du Boulaouane sur les deux frères du « Combat ordinaire ». Ou encore, plus fort, la blague terrible que fait le père en faisant croire à son fils qu'il a perdu la mémoire alors qu'il est vraiment atteint de la maladie du « sieur Alzheimer ». Ces ruptures brusques, ce sont le reflet des contradictions de notre époque. Contrastes énormes, vertiges existentiels. Difficulté d'aller de l'avant dans un monde trop grand, et absolue nécessité de le faire. Trouver l'apaisement, chercher l'harmonie et faire vivre l'espoir. L'objectif de ses personnages est tout tracé, même s'ils y rechignent. En cela, Larcenet illustre une nouvelle fois les pessimistes en paroles qui se révèlent des optimistes en actes.

 

Dans la sage du « Retour à la terre », Larssinet, dessinateur issus d'une banlieue typique débarque avec sa casquette, son chat traumatisé, ses ordinateurs et sa compagne aux Ravenelles, sorte de Champignac en Cambrousse. Il doit trouver le moyen de s'intégrer dans ce pur coin de terroir avec ses autochtones pittoresques, leurs fêtes du cochon et leurs eaux de vie redoutables. Il doit surtout dépasser l'adolescence attardée et fonder enfin une véritable famille. Il doit jeter ses cartons, prendre des responsabilités dans la communauté et, aboutissement logique, devenir père en suivant les conseils de Laurence Pernoud ®.

 

Dans ce qui est pour moi son oeuvre la plus aboutie, tout à la fois la plus ambitieuse et la plus belle, « Le Combat ordinaire », Marco, photographe, est confronté à plusieurs dilemmes majeurs. Exposer avec un homme qu'il admire mais qui se révèle un beau salaud. Protéger son indépendance tout en s'impliquant dans une véritable relation amoureuse. Apprendre à vivre avec les gens sans les juger. Il y a deux très beaux épisodes. Dans le premier, il développe une amitié avec un vieil homme débonnaire qui se révèle avoir été officier et tortionnaire en Algérie. L'homme dit avoir changé et demande simplement que ce soit accepté. Dans le second, variation sur le même thème, il photographie des amis de son père, ouvriers sur un chantier naval. Alors qu'il essaye de leur donner par son travail une certaine dignité, il apprend que l'un d'eux a voté Front National en avril 2002. Mais il est toujours le fidèle compagnon de chantier. Marco doit dépasser les clichés et accepter les contradictions. Accepter les hommes tels qu'ils sont.

 

Larcenet, ce sont aussi des albums plus franchement comiques, l'homme a fait ses débuts à Fluide Glacial quand même. Il y aura créé Bill Baroud, Pédro le Coati, exploré la vie secrète des super héros injustement méconnus, et livré récemment un guide de la survie en entreprise qui se révèle bien utile. Sortit également il y a peu (2003), « La Légende de Robin des Bois », bande étonnante qui nous montre un Robin vieillit, atteint par Alzheimer lui aussi, braillant des chansons populaires dans la forêt de Rambouillet et traquant le touriste comme les brebis du Génie des Alpages. Plein d'autres encore, Larcenet travaille beaucoup pour notre plus grand plaisir.

 

Apprenez en plus sur le site « pas officiel » mais très complet. Quatre albums sont prévus pour 2006. Maximum bamboule !

Commentaires

cher vincent, j'aime beaucoup larcenet, ainsi que franquin, et je trouve que ce que vous dites est très juste, c'est un auteur qui vit avec son temps et sais le depeindre avec une certaine finesse (bien cachée parfois!)
et puis quand on le voit, on dirait un de ces dessins.

Écrit par : milou | 03/01/2006

Pour ce qui est de son aspect "réel", maintenant que je l'ai vu en photo sur son blog, je partage tout à fait votre avis ! En fait je m'y attendais un peu, mais il est toujours difficile de faire la part des éléments autobiographiques et de la pure fiction dans des oeuvres comme la sienne.
Sinon, j'ai eu pour Noel (chouette !) l'album sur les super héros méconnus. Très drôle, plutôt face cachée côté finesse, mais quand même très drôle.

Écrit par : Vincent | 03/01/2006

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