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16/03/2006

La farce et les dindons.

La farce, c'est ce second round à l'Assemblée Nationale de la discussion autour de la loi sur les droits d'auteur et Internet (DADVSI). Après le camouflet fait au ministre de la Culture en décembre, celui-ci a retiré l'article ouvrant la voie à une licence globale pour le remettre in extremis et reprendre l'examen de son projet de loi dans une confusion consternante. Comme il fallait s'y attendre, les députés de la majorité ont été mis au pas et c'est un projet conforme aux espérances des grands groupes qui est en train d'être voté. Histoire de se mettre dans le bain, l'exception pour copie privée pour les DVD est désormais remise en cause et les éditeurs de logiciels permettant de contourner les fameuses DRM ou d'échanger des fichiers sont susceptibles d'être lourdement condamnés. Ca fait du monde dans l'univers du libre. C'est le triomphe, que l'on ne peut que souhaiter temporaire, d'une ligne dure à l'image de ce qui se fait aux USA. C'est aussi le triomphe d'une conception purement mercantile des échanges culturels sur Internet. A ceux qui pensent que j'exagère, que je surestime les dangers, je vous recommande la lecture de ce texte de Jérôme Colombain qui explique avec humour comment fonctionne au quotidien la mise sous tutelle de nos fichiers musicaux.

 

Les dindons, il me semble qu'aujourd'hui, ce sont les artistes, tous ces chanteurs et cinéastes bien intentionnés qui sont montés au créneau pour défendre ce qu'ils croient être leurs droits mais qui ne sont que les dividendes de ceux qui possèdent ces droits. Aujourd'hui, pour faire passer la pilule, on a allégé les sanctions contre les internautes, contre ceux qui échangent. Ils seront désormais passibles d'une simple contravention (38 euros, ai-je entendu). Finalement, je me dis que la licence globale, elle est là mais qu'elle ne profite pas à ceux pour qui elle est destinée. Une fois que l'on aura répondu aux questions : « comment repérer les fraudeurs ? », « Comment collecter les amendes ? » et « A quel prix ? », on constatera que le produit de la répression ira directement dans les caisses de l'Etat et que les artistes continueront à ne rien toucher sur les volumes impressionnants d'échanges sur le Net. On aurait pu rêver un élan de générosité, d'imagination, la mise en place de mécanismes innovants pour soutenir la création. Rien, nada. Encore combien à attendre ?

 

Quand je vois comment évoluent les choses, je passe avec écoeurement le long des rayons de CD et de DVD et je n'ai plus envie que de m'intéresser au libre et à quelques éditions qui valent vraiment le prix qu'elles affichent. Et j'achète plus de livres, je reviens à l'objet. Cette notion de l'objet, du prix de l'oeuvre me semble évacuée du débat tout en étant capitale. Je me souviens de ma perplexité lorsque j'avais découvert que l'on pouvait acheter Les Sept Samourais d'Akira Kurosawa pour 99 centimes d'euro. Si, si. Quelle est la valeur de ce film ? Et quel rapport avec ces films vendus vingt fois plus cher et pour lesquels ont se bat aujourd'hui ?

Jean-Claude Zylberstein est avocat à la cour et directeur de collections littéraires et contre la licence globale. Dans une tribune à Libération il écrit ceci : « J'ai bien peu de raisons de penser que Ravel, Prokofiev et Bernstein pour une part, Mankiewicz, Renoir et von Stroheim de l'autre, caracolent en tête des Top 20 du téléchargement. » C'est vrai, bien sûr (quoique le Boléro...) ! Mais tous ces gens sont morts depuis longtemps et quel est le sens de continuer à engraisser des ayant-droits dont la plupart ont brisé en leur temps la carrière de Stroheim, bridé celle des autres. Est-ce qu'il ne serait pas plus intelligent de faire découvrir ces auteurs, la richesse de leur oeuvre au plus grand nombre ? Car où sont les salles de cinéma et les chaînes de télévision qui rendent accessibles Renoir et Mankiewicz ? Et pour les musiciens, s'ils sont peu téléchargés, est-ce que ce n'est pas aussi qu'il existe quantités de collections musicales classiques qui proposent leurs oeuvres à des tarifs tout à fait abordables ? Autant de question auxquelles Jean-Claude Zylberstein ne répond pas. Pas plus que notre ministre de la culture. Le combat continue.

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