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23/06/2006

Voix endormies

L'écrivain Dulce Chacon est morte trop tôt, en 2003, mais elle aura eu le temps de terminer son ultime livre, Voix endormies (La voz dormida), et d'apprécier son énorme succès public et critique en Espagne. Un livre qui conclut une oeuvre engagée dans laquelle la mémoire de la guerre civile espagnole tient une place primordiale. Un livre qui sera sortit à point au moment où le pays a entrepris d'affronter son passé, de faire le deuil enfin, après 35 années de dictature franquiste et une longue période où un voile de silence gêné était de rigueur. Voix endormies donne la parole à une demi-douzaine de femmes. Syndicalistes, républicaines, communistes, simples citoyennes, elles payent le prix de la défaite dans les prisons et face aux pelotons d'exécution de Franco. Elles s'appellent Elvira, Pepita, Hortensia, Reme, Tomasa et ont souvent pris les armes pour lutter aux côtés de leurs frères, leurs pères, leurs maris, leurs amants. Et souvent sont tombées à leurs cotés.


Elle s'était déjà habituée à parler à voix basse. Non sans effort, mais elle s'y était habituée. Et elle s'était aussi habituée à ne pas se poser de questions, à accepter que la défaite s'enfouisse au fond, au plus profond d'elle-même, sans demander la permission, et sans donner d'explications. Et elle avait faim, et froid, et elle avait mal aux genoux, mais elle ne pouvait pas s'arrêter de rire.

Elle riait.


De 1939 aux années 60, elle devront surmonter l'humiliation de la défaite, la prison, la torture, l'exil et la mort de leurs proches. Elles devront apprendre à lutter autrement, à transmettre leur engagement républicain à travers les années sombres et à garder l'espoir d'un futur meilleur. Écrit avec pudeur, fougue et simplicité, le livre de Dulce Chacon redonne une voix vibrante à celles qui lui ont raconté, à voix basse encore, leur histoire. Une histoire de courage et de mémoire. Elle fait revivre certains évènements peu connus. L'exécution des 13 roses, 13 mineures exécutées en représailles de l'éxécution d'un officier le 4 août 1939 à la prison de Las Ventas. La guérilla communiste qui se poursuivit jusqu'à la fin de la seconde guerre mondiale avec l'espoir que les vainqueurs de Mussolini et de Hitler viendraient s'occuper de Franco. L'épisode du Val d'Aran, en 1944, ultime tentative d'envergure de la guérilla qui échoua piteusement.

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A partir d'un long travail d'investigation, Dulce Chacon a bâtit une trame dramatique enchevêtrant les intrigues dans lesquelles chacune de ces femmes illustre un aspect de la condition de toutes les femmes républicaines espagnoles. Avec deux figures marquantes : Hortensia, la femme qui allait mourir, obtenant un sursis pour que son enfant puisse venir au monde et Pepita, la jeune femme aux yeux si bleus, incarnation même de l'esprit de résistance. J'émettrais juste un bémol à ce livre fort, quand bien même l'environnement historique le justifierait, la forte représentation du partit communiste sans critique excessive. Après avoir lu Orwell et vu Loach, j'ai regretté qu'anarchistes et socialistes soient absents de ces pages (mis à part une peu sympathique blonde). Ils avaient sûrement des femmes dans leurs rangs.


Affiche de Sim (Rey Vila) tirée du livre Les affiches des combattant-e-s de la Liberté ! (Éditions Libertaires et les Éditions du Monde Libertaire )


Pistes :

Un extrait (les premières pages)

Un article du Monde Diplomatique

Le livre sur la Boutique

Le site Espana36 sur la guerre civile

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