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22/08/2007

Le pôle meurtrier

La littérature de voyage a toujours nourri mon imagination. Récits d'explorateurs, carnets de voyages, trajets surhumains, j'adore ça et éprouve une fascination toute particulière pour les explorations polaires. Celle du capitaine Robert Falcon Scott ajoute une dimension tragique à ces épopées humaines. L'histoire de l'expédition de 1910-1913 menée par Scott dans le but d'atteindre le Pôle Sud est l'histoire d'un échec sublimé par le sacrifice de ses acteurs. Et le récit qui nous en est parvenu est d'autant plus touchant qu'il est constitué d'un ensemble de notes prises au jour le jour et que Scott a tenu jusqu'au bout. Les carnets de son journal seront retrouvés sur son cadavre congelé. Scott et ses quatre compagnons étaient arrivés au pôle, le 17 janvier 1912 pour y découvrir que le norvégien Amundsen les y avait précédés d'un mois. Certainement déçus, ils se remettent en route avec le moral en berne et des conditions climatiques qui se dégradent rapidement. La petite caravane, qui tire elle même son traineau, s'affaiblit rapidement. Evans le premier décline, sa raison le lâche et, après une syncope, il meurt au pied du glacier Beardmore. La température descendant plus que prévu (aux environs de -40°C), le gel mord les hommes et le plus touché, Oates, perd l'usage de ses pieds et de ses mains. A bout, il finit par sortir de la tente en plein blizzard, se sacrifiant pour ses camarades. En vain. Scott, Wilson et Bowers n'en peuvent plus et le temps s'acharne contre eux. Impossible de marcher contre un vent debout du nord. Des dépôts de vivres et de carburant jalonnent leur piste, mais ils sont trop faibles pour parcourir les kilomètres nécessaires. Finalement, à moins de vingt kilomètres du dépôt « One ton camp » qui aurait pu les soulager, sans plus de combustible ni de vivres, ils sont cloués dans leur tente par un terrible blizzard. Ils y resteront au moins dix jours avant la dernière entrée du journal de Scott, si poignante : « C'est épouvantable, je ne puis en écrire plus long. R.Scott. Pour l'amour de Dieu, occupez vous des nôtres. ». Ils seront retrouvés par une équipe de secours six mois plus tard.

Contrairement à nombre de récits de voyage écrits à postériori et revus à partir de notes ou de souvenirs, Le Pôle meurtrier est un document brut, avec ses répétitions, ses indications techniques (température, latitude, longitude, etc.), ses manques et ses erreurs dues à leur prise immédiate (interprétation de faits modifiés par la suite, difficultés rencontrées, tragique de la situation finale). Le récit nous donne le portrait d'un homme très anglais, un peu raide, certain de prendre les bonnes décisions (ce qui sera discuté par la suite) mais complètement habité par sa passion. Cette passion des espaces à conquérir qui faisait l'étoffe des explorateurs de ce temps. Espaces dans lesquels ils avaient le sentiment de s'accomplir en tant qu'hommes et gentlemen pour la plus grande gloire de leur pays. Si la déception se laisse lire entre les lignes à la découverte de la victoire du norvégien, Scott essaye de donner le change dans son journal et de se montrer fair-play. Je ne sais sur quelles bases on raconte qu'il avait été profondément vexé d'être arrivé second. De même le récit du retour est une suite de moments d'inquiétude, de désespoir mais aussi d'espoir lorsqu'ils arrivent à un dépôt ou que les conditions atmosphériques s'améliorent quelque peu. Passé un moment, Scott ne cache pourtant plus qu'ils sont sans doute condamnés mais, jusqu'au bout, il ne semble pas considérer cette fin comme un échec, mais comme un exemple. C'était une autre époque.

La mort de Scott fit grand bruit à l'époque, allant jusqu'à éclipser la victoire méritée d'Amundsen. Le Pôle meurtrier fut édité en France dès 1914 chez Hachette avec des photographies splendides dues à Herbert G. Ponting. Cette expédition comprenait de nombreux membres en plus des cinq hommes qui atteignirent le pôle, dont de nombreux scientifiques. C'est peut être l'une des clefs de l'échec final de Scott. Amundsen était venu pour gagner une course et mit les moyens nécessaires pour ce faire. L'expédition de Scott était tout autant destinée à arriver le premier au Pôle qu'à effectuer de nombreuses recherches. Lors du retour, les hommes épuisés firent une halte dans le glacier de Beardmore pour collecter des échantillons de roches qu'ils trainèrent avec eux quasiment jusqu'au bout.

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Photographie prise le 17 janvier 1912 au Pôle. De gauche à droite : Wilson, Scott et Oates (debouts), Bowers et Evans (assis). Source Wikipedia (domaine public).

Le livre

Article sur Transpolair, les expéditions de Scott

Article sur Wikipedia (en anglais)

Commentaires

J'aime beaucoup votre article, étant fana de cette période qu'on appelle l'Âge Héroïque. Je ne connais pas beaucoup de Français qui se souviennent de Scott et de son voyage sans retour, et encore moins qui ne le considèrent autrement que comme un amateur incompétent (merci Roland Huntford !). C'était un homme de son époque qui ne tirait pas seulement son traîneau derrière lui, mais comme aurait dit l'écrivain Elizabeth Arthur, tout le poids d'un Empire...

Un petit détail, dans la légende de la photo ci-dessus, je pense que "18 juin 1912" est une erreur de frappe. "17 ou 18 janvier" seraient sans doute plus exacts. Scott est arrivé au pôle 33 jours après Amundsen et la dernière entrée de son journal date du 29 mars 1912.

Cordialement,

SG

Écrit par : Sylvie Griffon | 29/11/2011

Bonjour, Sylvie, merci de votre passage.
Je me souviens bien d'émissions de télévision dans les années 80 qui racontaient ces temps héroïques, comme "Au delà de l'horizon" animée par Alain Bombard. Il existe aussi un film anglais de 1948 plutôt pas mal.
Vous avez raison sur la date, je ne sais pas à quoi je pensais :) Je corrige.

Écrit par : Vincent | 01/12/2011

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