23/08/2010
Emmanuel Dongala
J'ai découvert Emmanuel Dongala avec le livre Johnny chien méchant, adapté au cinéma en 2008 par Jean-Stéphane Sauvaire. J'avais raté le film mais le sujet, les enfants soldats en Afrique, m'intéressait. Je connaissais déjà les ouvrages de Kourouma, Allah n'est pas obligé et Quand on refuse, on dit non dot j'avais apprécié le style, la vitalité, l'originalité de l'approche et l'humour malgré la gravité du propos. Il est peut être mieux de découvrir ces réflexions sur l'Afrique, ses convulsions, sa politique et son histoire dans des textes écris par des africains plutôt que par leur passage au cinéma via des réalisateurs occidentaux, quelque puisse être la sincérité de ceux-ci.
Le passage ou Laokolé voit son amie Mélanie écrasée par un blindé de l'ONU qui lui passe plusieurs fois sur le corps sans même s'en rendre compte est le symbole le plus fort, le plus terrible, de cette indifférence coupable, criminelle envers l'Afrique. Les êtres ne comptent pas. A chaque crise, l'Occident n'intervient efficacement que pour ses seuls ressortissants. Les nègres sont quantité négligeable et indifférenciée. Emmanuel Dongala donne ici l'autre point de vue, le nom et les sentiments des réprouvés. Il le fait d'autant mieux que sa langue est nette, tranchante d'un humour noir qui ne cède pourtant jamais au désespoir.
Jazz et vin de palme est un recueil de huit nouvelles écrites en 1982. On retrouve dans chaque texte ce style clair et incisif, son humour ravageur qui s'exerce ici sur le communisme à la sauce congolaise (un régal), la langue de bois trempée dans le béton et le sang du peuple, la bêtise de formules toutes faites et toutes creuses qui s'imposent face à la tradition. Trois nouvelles : L’étonnante et dialectique déchéance du camarade Kali Tchikaki, Le procès du père Libiki et La cérémonie explorent les deux facettes d'une même ignorance qui brise les hommes et leur espoir de progrès. Dongala montre néanmoins plus d'indulgence envers la seconde. Une ancienne sagesse, proprement africaine peut s'en dégager éventuellement. Ainsi, dans Les extraterrestres, qui pour une fois ne se posent pas à New-York mais au Congo, l'invasion est finalement enrayée par la proposition du délégué africain de s'asseoir autour d'un arbre et de palabrer autour de quelques litres de vin de palme.
Photographie : source L'atelier-café de Florent Couao-Zotti
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