02/09/2006
Les soldats de salamine, un récit réel
Les soldats de Salamine de l'espagnol Javier Cercas est un livre assez étonnant. Non pas de la littérature remarquable mais une forme originale. C'est un « récit réel », trois histoires vraies en fait, et puis aussi l'histoire du livre en train de se faire. Une histoire presque vraie elle aussi.
C'est d'abord l'étrange aventure de Rafael Sanchez Mazas, écrivain, poète, aristocrate, intellectuel, fondateur de la Phalange, ce groupe d'inspiration fasciste qui sera des plus actif dans le déclenchement du coup d'état de Francisco Franco en 1936 et qui, plus tard, sera l'un des piliers du régime. Sanchez Mazas, lui, vivra la guerre planqué à l'ambassade du Chili de madrid assiégée, puis après une tentative rocambolesque, sera prisonnier à Barcelone et fusillé dans les dernières semaines de la guerre civile. Mais il survit à son exécution, s'échappe à la faveur de la confusion, se cache et est alors découvert par un soldat républicain. Celui-ci lui jette un long regard et, en réponse à un appel de ses camarades dit : « Par ici, il n'y a personne ». Puis il s'en va. Sanchez Mazas mourra en 1966 sans être devenu un grand écrivain.
C'est ensuite l'histoire de Javier Cercas, journaliste ayant renoncé à la littérature, qui entend cette histoire, la creuse, en se disant qu'il y a quelque chose à comprendre dans le regard du républicain au phalangiste. Il enquête et, petit à petit sent un livre naître en lui, poussé par son amie, Conchi, que l'on imagine bien sortie d'un film d'Almodovar, et par un écrivain chilien exilé. Cercas tâtonne, découvre, hésite, raconte par le menu son travail de réflexion qui aboutit au texte central : les soldats de Salamine. Mais le texte est bancal, c'est à dire qu'il est bien écrit mais que sa conclusion mélancolique, amère, laisse une impression d'inachevé. Il faut une troisième histoire.
Ce sera celle de Miralles, apprenti tourneur catalan, recruté à 18 ans par l'armée républicaine. Il fera tout la guerre sous le commandement du fameux général Lister. Il devient communiste. Il est sur l'Ebre, à Teruel, à Belchite. En 1939, il passe en France, se retrouve dans le camps de concentration pour républicains espagnols d'Argeles, s'engage dans la légion étrangère. La France entre en guerre, et Miralles part dans l'aventure folle de Leclerc, traverser la moitié de l'Afrique pour créer la France libre. Miralles sera de toute cette guerre aussi, L'Afrique, la Normandie, il entre dans Paris avec la 2eme DB le 24 août. « Gualajara », « Teruel », « Madrid » étaient parmis les noms des premiers blindés à enter dans la ville. Il saute sur une mine en Autriche mais survit et devient un paisible retraité. Petit à petit, Cercas comprend qu'il est le véritable héros et en vient à croire que, peut être, c'est lui le républicain qui a épargné Sanchez Mazas. Cercas est au bout de sa quête littéraire et humaine.
« [...] Je vis Miralles marcher à travers le désert de Lybie vers l'oasis de Murzuch, jeune, déguenillé, poussiéreux et anonyme, brandissant le drapeau tricolore d'un pays qui n'est pas le sien, d'un pays qui est tous les pays à la fois et aussi celui de la liberté et qui n'existe que parce que lui et quatre maures et un noir ne cessent de le brandir, tout en continuant à marcher de l'avant, de l'avant, toujours de l'avant. »
Ca fait du bien.
Rencontre avec les traducteurs du livre ICI.
Une chanson : Ya sabes me paradero
07:35 Publié dans Saines lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Espagne, littérature | | del.icio.us | Facebook
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