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29/01/2008

L'ami américain

Cher Bruce,

 

Il y a bien deux mois que j'aurais du écrire un petit quelque chose sur votre nouvel opus sobrement intitulé Magic. Pour la première fois depuis bien longtemps, je n'ai pu m'accorder le temps d'une écoute approfondie et du coup, je suis resté sec.

Emporté par le démarrage en fanfare de Radio nowhere, mes premières écoutes rapides m'ont donné la même impression que la découverte d'Human touch (je sais, ça ne nous rajeunit pas), ce qui n'est pas forcément une critique sous mon clavier. Disons que l'album m'est apparut comme un bloc trop uniforme, carré, sans aspérité. Je n'y retrouvais ni le souffle donné à la thématique puissante de The rising, album des retrouvailles avec le E-street Band, ni l'éclectisme surprenant de Devils and dust. Après les déchaînements festifs de votre expérience avec les musiciens des Seegers sessions, qui vous ont permis de revisiter votre propre répertoire avec fraîcheur, je restais un peu sur ma faim. Ce qui me manquait, en fait, c'est un de ces morceaux qui vous transportent, un de ces morceaux dont vous avez le secret et qui emportent l'album vers les sommets, un morceau immédiat, indispensable. Mais ce morceau, vous l'aviez déjà écrit juste avant, c'est American land. Je ne pouvais pas rester sur cette impression.

Il me fallait faire une pause et prendre un peu de temps. C'est fait. Depuis que mon trajet pour aller au boulot s'est considérablement allongé, je me suis fait offrir un lecteur MP3 et bien calé dans mon siège de TER, je vous ai découvert enfin.

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Magic, finalement, c'est comme ces vins qui ont besoin d'être carafés et de reposer un moment pour révéler tous leurs arômes, toute leur puissance. Du bloc de son brut se sont détachés les nuances subtiles de douze titres et j'ai trouvé mon morceau phare dans Girls in their summer clothes. Comme vous l'avez déclaré, cher Bruce, c'est une de ces histoires qui ne peuvent exister que dans un morceau de rock. Une série d'impressions, une ballade en ville, le soir, dans la lumière d'été qui décline, une ballade qui en rappelle d'autres du côté d'Atlantic City ou d'Asbury Park, New-Jersey. Atmosphère ténue, un peu mélancolique, un mouvement joyeux et tendre pourtant, plein d'espoir. La grâce des corps féminins saisis comme dans un ballet, flottant autour de vous, filant comme le temps, les jeunes filles en fleurs.

Things been a little tight
But I know their gonna turn my way

 

Et dans le restaurant, Frankie's dinner, tellement américain, se joue quelque chose d'essentiel qui rappelle Dancing in the dark et son état d'urgence amoureuse. C'est véritablement une de vos plus belles chansons, portée par une mélodie simple, soulignée par le piano de Roy Bittan, les accents morriconiens du début et ce délicieux changement de rythme au milieu, j'en ai des frissons à chaque fois.

A partir de là, chaque morceau révèle sa personnalité et il y a bien de la magie là-dedans même si celle du titre renvoie à l'expression ironique de votre critique des dirigeants américains, escamoteurs patentés. Ceci dit, le mot aura bien servi aux chroniqueurs rock en mal d'inspiration, cherchant désespérément à rattacher votre dernier album à d'autres oeuvres e d'autres temps. L'un d'eux est même remonté à Darkness on the edge of town.

Trust none of what you hear
And less of what you see
This is what will be, this is what will be

 

Magic, la chanson, est un beau morceau politique plein d'humour noir, porté par la mandoline de Little Steven et une mélopée envoûtante. Cette veine de votre inspiration se retrouve avec bonheur dans Gypsy Biker sur le retour du cadavre d'un ami partit « faire l'Irak » et revenu entre quatre planches, une ballade poignante, et Last to die, inspiré par la phrase célèbre de John Kerry à propos du Vietnam : « qui sera le dernier à mourir pour une erreur? ». les autres morceaux déclinent vos thèmes fétiches, l'amour et la difficile recherche du bonheur, le sentiment du temps qui passe et l'importance des racines (très belle Long walk home). La foi qui nous anime, une aspiration violente qui nous porte et trouve une expression idéale dans la force de votre musique. Et c'est ainsi que, vous deviez en avoir envie depuis longtemps, vous avez repris cette phrase qui a électrisé tant de vos publics en concert pour cette véritable machine de guerre qu'est Radio nowhere : Is there anybody alive out here ? ». Présent !

 

Le CD sur la boutique

L'album sur le site officiel

Une belle chronique en anglais par Tom Watson

Commentaires

Bonsoir, Vincent,

Superbe message, magistralement écrit ... qui donne vraiment envie d'écouter le dernier album de ce cher Bruce ou de revisiter ses anciennes oeuvres !

Merci, Vincent.

Bises.

Écrit par : Marie Thé | 30/01/2008

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