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30/03/2009

La Retirada

La Retirada signifie "retraite" en espagnol. Le mot est plus spécifiquement associé à l'exode des républicains espagnols vers la France, à l'hiver 1939, après la chute de Barcelone le 26 janvier. Franco est vainqueur, Madrid tombe le 28 janvier et le gouvernement républicain fuit au Mexique. De la Catalogne, en quelques semaines, ce seront près de 500 000 réfugiés qui passeront la frontière dans les Pyrénées. Les fascistes sur les talons, les espagnols pensent arriver chez un allié bienveillant. Mais en 1939, le Front Populaire n'existe plus et la France n'est pas préparée à un tel afflux de réfugiés. Les espagnols sont « accueillis » avec réticence et improvisation. Le gouvernement construit en hâte quatre camps que, par une ironie de l'histoire, ils nomment « camps de concentration » expliquant fièrement que ce ne sont pas des prisons. Les conditions y seront très dures, d'autant qu'une vague de froid aggrave la situation de ces gens, civils et militaires, hommes femmes et enfants, qui ont tout perdu et ont du jeter aux postes frontières leurs armes. Sur la plage d'Argelès sur mer, par exemple, il fallu dormir dans le sable les premiers temps.

Cet épisode des camps, outre sa forte charge symbolique compte-tenu de l'époque, restera dans la mémoire des républicains espagnols comme une épreuve humiliante ajoutée à la défaite. Et une forte désillusion sur la patrie des droits de l'homme. Cela n'empêchera pas certaines solidarités, ni l'engagement de certains républicains dans la Résistance et les FFI. Cela ne dois pas occulter l'attitude méprisante des geôliers français (A un officier français, un soldat espagnol déclare : « Ne soyez pas si fier, vous serez les prochains ») ni que ces camps débouchèrent pour certains républicains sur un transfert dans des camps plus « classiques » comme Buchenwald.

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La Retirada, le livre édité par Actes Sud, est une œuvre à plusieurs voix. Celle de Josep Bartoli, un dessinateur, soldat républicain, qui trouvera avec son crayon la force de lutter encore. Celle de son neveu, Georges Bartoli, dont les parents vécurent aussi cette épreuve et qui est interrogé par Laurence Garcia et livre une réflexion sur la mémoire et le destin de ces réfugiés qui finirent par s'établir en France, souvent en prendre la nationalité et déboucher un champagne amer lors de la mort de franco en 1975. Les dessins de Josep Bartoli sont d'une force et d'une originalité peu commune, comme la vie de cet homme, dessinateur de presse, combattant engagé du côté des anarchistes et dont la femme, enceinte, périra dans un train bombardé alors qu'il tentait de passer en France. Ses dessins réalisés dans les camps traduisent sa douleur et celle son peuple. Sa rage aussi face à l'attitude des français inconscients du péril qui guette. Bartoli s'évadera, passera finalement au Mexique où il deviendra, entre autres, un ami de Frida Khalo. Il restera a jamais un combattant anti-franquiste. Comme son frère, le père de Georges. Face à ces modèles, ce dernier poursuivra leur engagement en devenant journaliste, reporter photographe et s'intéressera à d'autres peuples réfugiés comme les kurdes ou les palestiniens.

Éclairant une page peu glorieuse de notre histoire (il en reste, on en trouve tous les jours), le livre rappelle aussi que le siècle des extrêmes a été un long combat, au delà des luttes entre états, entre une certaine forme de barbarie et ceux qui se dressèrent devant elle pour un pays « qui est tous les pays à la fois et aussi celui de la liberté ». Il s'inscrit dans la lignée du très beau « Les soldats de Salamine » de Javier Cercas et cette idée du combat obstiné et toujours recommencé.

 

Le livre

Un article sur l'histoire de la Retirada

Sur nopasaran36, un article sur la Retirada et les camps avec de nombreuses photographies.