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30/11/2005

Au Père Lachaise

Et puisque je parlais du gendre de Karl Marx...

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29/11/2005

Paresse Dada

Comme Fuligineuse, j’ai visité l’exposition Dada au Centre Pompidou à Paris. C’était mi octobre, juste avant les Rencontres, il faisait un temps superbe et quelque part rien que la vue sur Paris dans cette extraordinaire lumière si limpide, ça valait le coup. Sur l’exposition, ça m’a laissé une impression mitigée. J’ai eu beaucoup de plaisir à découvrir des œuvres que je ne connaissais que par des photographies, par leur réputation : Le Fer de Man Ray, la musique d’ameublement de Satie, la Joconde et l’urinoir de Duchamp… La projection d’Entracte de René Clair fait toujours plaisir aussi. Mais, bon, ce qui fait bizarre, c’est de retrouver toutes ces œuvres faites dans un esprit de contestation de l’ordre établi réunies dans une exposition si bien ordonnée. A découvrir tous ces programmes farfelus, ces plaisanteries artistiques, ces affiches en forme de poire, je me dis que leurs auteurs doivent se sentir un petit peu trahis. Qu’aurait-il fallu faire ? Je ne sais pas. Au moins, Que l’esprit qui souffle / Guidera leurs pas. Dans l’espace bibliothèque, j’ai toujours découvert l’Apologie de la paresse, un court texte poétique de Clément Pansaers écrit en 1917 et paru initialement en 1921 aux éditions bien nommées « Ca ira ! » à Anvers, un an avant le décès de son auteur. …

 

...Tout ce qui vit cagnarde

L’homme seul reste forçat

Entends-tu la joie diaphane

Des grands libertaires ?

 

Clément Pansaers a été un artiste inclassable, d’origine flamande mais d’expression française, doué semble-t’il de nombreux talents artistiques : gravure, peinture et poésie. Précurseur et représentant du mouvement dada en Belgique, il a fait preuve d’un bel esprit d’indépendance sur le fond comme sur la forme y compris vis-à-vis des divers mouvements artistiques de l’époque. Ainsi cet écrit qui puise ses racines tout autant dans Lautréamont pour la liberté d’écriture et l’esprit poétique, que dans l’incontournable Le droit à la paresse de Paul Lafargue (secrétaire et gendre de Karl Marx) pour le fond. S’il a la même puissance iconoclaste que le texte de Lafargue, Il reste pure poésie et une adresse directe à ce qui est pour lui une vertu et qu’il voit tour à tour comme une prostituée, une déesse, un état idéal. Adresse et aussi invitation au lecteur. L’écriture est recherchée et le vocabulaire d’une grande érudition. On sent l’amour des mots à chaque page. L’humour est constamment présent et les images riches comme issues de ces jeux de mots chers à dada comme aux surréalistes. On pourrait penser à de l’écriture automatique si ce n’était la précision gourmande des phrases. Il est bien connu de Lafargue à Corinne Maier que la paresse véritable demande le plus exigeant des travails.

…Je paresse…

Le fier mutisme indifférent du poisson dans l’eau.

La silencieuse insouciance de l’escargot sous la feuillée.

Je sens les arômes de la miellée…

Les arbres déambulent.

Le soleil broute l’herbe.

   
 

Feinte nonchalance. L’esprit se mêle à la forme. Le rythme et les sons choisis des mots embarquent dans une douce rêverie. Je paresse aussi.

25/11/2005

Une page de pub

C'est pour samedi !
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Pour en savoir plus : le site des Casseurs de Pub

24/11/2005

Un peu de musique

Chez Jamendo, un album qui m'a beaucoup plu du groupe Ehma. Une façon de vérifier une nouvelle fonction proposée par ce site remarquable de diffusion de musique sous Créative Commons. Voyez donc sur la droite, vous pouvez accéder à la page Jamendo, télécharger l'album en toute légalité et écouter les différentes pistes.

Les Temps Modernes est le second album de Ehma, une sorte de résumé du travail du groupe car il reprend des oeuvres depuis 1999 jusqu'à 2003. Au programme, du piano et quelques oeuvres plus orchestrée comme Pizzicato (ma préférée) et La berceuse obscure. J'en aime les ambiances délicates qui me font, c'est fatal, penser aux travaux de Yann Tiersen. Même goût pour des univers d'enfance (La Berceuse de Julie), même compositions aux images cinématographiques, même utilisation d'instruments délicats.


17/11/2005

Le secret des dieux

En faisant une recherche, hier, j'ai trouvé un commentaire de Damien rigoureusement identique à celui qu'il m'a laissé sur la note concernant Houellebecq. J'ai trouvé ça drôle et cela m'a permis de découvrir un blog étonnant : le Secret des Dieux que je vous laisse en lien. Vous y trouverez des extraits musicaux au piano (dont un morceau de Ravel que je ne connaissait pas) et je vous recommande ce texte que tout bon bloggueur doit lire.

16/11/2005

Born again

Quand je commence avec Springsteen, c’est difficile de m’arrêter. Juste quelques liens intéressants : Tramps like us est aussi le nom d’un fan club français avec de très nombreuses informations et notamment des photographies de concert, dont celui de Rotterdam en mai 2003 ou je me trouvais (quelle émotion). Et puis je suis tombé sur cet article de Rolling Stone (en anglais), qui revient sur la réédition de Born to Run. Springsteen y déclare : J’avais d’énormes ambitions pour [cet album] Je voulais faire le plus grand album de rock que j’ai jamais entendu. Je voulais qu’il sonne énorme, qu’il vous prenne à la gorge et vous force à faire ce voyage, vous force à faire attention, non seulement à la musique mais à la vie, au fait d’être vivant. (traduction personnelle et donc sujette à caution).

15/11/2005

Tramps like us

Les personnages de Born to Run [...] auraient pu être n'importe qui. J'allais tracer leur vie pendant deux décennies. Les questions fondamentales auxquelles j'ai consacré ma vie apparaissent dans Born to Run.

Trente années depuis que Bruce Springsteen a accouché dans la douleur de l'un des albums essentiels de l'histoire du rock. Un de ces classiques que l'on retrouve dans toutes les listes des indispensables, entre le Blanc des Beatles et Let it Bleed des Stones. En bon fan, j'aurais préféré qu'il fête les trente ans de The Wild, the Innocent and the E-Street Shuffle, mais il est clair que, pour l'Histoire, il y a un avant et un après Born to Run.

 

Dans le Live in New York City, il y a un moment que j'adore. Springsteen vient de terminer Born to Run, la chanson, devant un public immense, clôturant une tournée gigantesque et un concert exceptionnellement intense. Il y a quelques minutes de flottement, la foule gronde. L'homme titube légèrement, comme incrédule, impressionné tout à coup par cette émotion qu'il suscite. Je me suis toujours demandé ce qu'il pouvait bien penser à cet instant là. Une chanson de 4 minutes 31 secondes. 25 ans d'âge à l'époque et toujours la même ferveur. Pensait-il à ce musicien bohème du New Jersey qui, en 1975, après deux albums confidentiels et une étiquette mal appropriée de nouveau Dylan d'un jour, donnait tout ce qu'il avait dans un album plein de filles, de rage, d'espoir et de voitures. Du rock et de l'épopée.

Hey that's me and I want you only
Don't turn me home again
I just can't face myself alone again
Don't run back inside
Darling you know just what I'm here for

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Pas difficile de voir, dans l'ouverture de Thunder Road et cette supplique adressée à Mary et sa robe légère, l'envie dévorante du chanteur pour la musique. Faire partie de la légende, entre Presley, Berry et Orbinson, ses références. Tout l'album peut se comprendre comme la mise en paroles et musiques de ce sentiment d'urgence. Réussir ou crever.

Well I was stranded in the jungle
Trying to take in all the heat they was giving

 

And You're just a prisoner of your dreams
Holding on for your life

 

Et Springsteen d'enchaîner le récit de la formation du groupe, le poids du travail qu'il a vu abrutir et détruire son père (You get to work late and the boss man's giving you hell) l'amitié trahie, l'amour qui donne la force (Standing in that doorway like a dream) les compromis qu'il faudra peut être faire et qui semblent insupportables (Blame it on the lies that killed us) et , par dessus tout, le désir, la rage de s'en sortir, la violence d'un rêve américain retrouvé, un rêve qui ne peut s'accomplir pour lui que par le rock. Born to Run, c'est tout cela et la chanson, Born To Run, qui articule l'album, en est la synthèse.

Together we could break this trap
We'll run till we drop, baby we'll never go back

 

Pas étonnant qu'elle soit devenue l'un des hymnes les plus puissants du rock, un chant implacable, un cri de vitesse et de liberté. Un cri d'espoir. Springsteen a mis six mois pour la mûrir et la développer dans toute son ampleur, six mois pour acquérir la maîtrise de sa formidable énergie. Autour de Federici, Tallent et Clemmons, piliers du E-Street Band, on retrouve aussi, autre forme de synthèse, David Sancious et Ernest « Boom » Carter, venus des formations précédentes. Ils donnent à Springsteen le son qu'il cherchait, qu'il a patiemment élaboré, à la palette colorée, homogène, fougueuse et libre.

Jungleland clôture cet album par une nouvelle pièce épique, ouverture aux violons et piano, écho des plus beaux moments de The Wild, the Innocent and the E-Street Shuffle, long récit choral, empli jusqu'à la gueule d'images venues de l'essence même du rock

Barefoot girl sitting on the hood of a Dodge
Drinking warm beer in the soft summer rain

 

Et doucement, murmurant, sur la pointe des pieds...

And the poets down here
Don't write nothing at all
They just stand back and let it all be
And in the quick of the night
They reach for their moment
And try to make an honest stand
But they wind up wounded
Not even dead
Tonight in Jungleland

 

Born To Run fête ses trente ans par une édition de prestige comprenant l'album remastérisé (attention !) et deux DVD, le premier est le récit de la fabrication de l'album, le second un concert donné à l'Hammersmith Odeon de Londres en 1975. Ca sort le 17 novembre.

J'ai laissé derrière moi mes définitions adolescentes sur l'amour et la liberté. Born to Run est la ligne de démarcation.

 

Paroles : copyright : Bruce Springsteen

 

14/11/2005

Sans commentaires

La persistance d'un chomage élevé, la montée des inégalités, la fragilisation de nos systèmes de protection sociale, la précarisation d'une fraction croissante du salariat nourriraient le découragement collectif, les violences urbaines, l'euro-septicisme, l'extremisme politique et la désaffection à l'égard de la démocratie qui atteignent déjà trop de sociétés européennes.

Le monde comme je le vois

Lionel Jospin

Ed. Gallimard 

10/11/2005

Michel Houellebecq en est un fameux

Mes lectrices et lecteurs me pardonneront, mais je n'ai pu me résoudre à l'emploi de ce « petit vocable de trois lettres pas plus » qui doit être compris au sens de Brassens bien sûr.

Michel Houellebecq , au départ, je ne savais pas trop qui il était. J'avais entendu parler de sa sortie sur l'Islam à l'occasion de son roman « Plateforme », mais c'était quasiment tout. Mais depuis que je fréquente certains blogs, des blogs d'écrivains en particulier, je lis beaucoup de choses sur lui. Des choses négatives et des choses positives, positives au point que certains le considèrent comme l'écrivain de sa génération. Sa génération étant la mienne, j'ai commencé à m'y intéresser sérieusement. Je me suis beaucoup tâté à la sortie de son dernier bouquin, « La possibilité d'une île » mais mon instinct, qui se trompe rarement, m'a retenu. J'ai lu aussi certains de ses textes publiés sur Internet.

 

Et puis, l'autre jour, dans un supermarché, je tombe sur « Rester Vivant » dans une de ces collections à 2€. Je feuillette en attendant à la caisse et tombe sur les deux pages d'un article intitulé : « Jaques Prévert est un con ». Texto. Là, je me suis dit que mon instinct avait été sûr. Prévert, dans mon Panthéon personnel est très haut. Et puis on ne traite pas les gens de « cons » comme cela, la moindre des choses est de dire pourquoi, d'argumenter un minimum. Et là, j'ai trouvé Houellebecq très léger. Qu'il n'aime pas Prévert c'est son droit, mais à partir du moment ou il publie son opinion, il a les devoirs de tout critique qui se respecte. En même temps, j'ai trouvé que son texte révélait pas mal de choses sur lui. Pour commencer, il met en avant le Prévert qui écrit sur les fleurs, les oiseaux et l'amour, histoire de donner une image de légèreté. Il évacue le Prévert social et politique, celui qui écrit sur l'oeuf dur et le poète de La Crosse en l'air. Pourtant, ce dernier texte écrit à chaud lors du début de la guerre d'Espagne est l'une des oeuvres maîtresses du XXe siècle, indispensable pour le comprendre. Un texte dont, il est vrai, il est difficile de trouver l'équivalent aujourd'hui.

 

Houellebecq reproche ensuite à Prévert le réalisme poétique. Le Crime de M Lange, Quai des brumes, Les Enfants du Paradis, tout ça ne plaît pas à Houellebecq. Pourquoi ? On ne sait pas, c'est comme ça. Comme c'est intéressant. Après tout, ce n'est que l'un des mouvements majeurs du cinéma français, voire européen, qui a engendré entre autres le néo-réalisme italien. "Répugnant" dit-il. Je serais curieux de savoir ce qu'il trouve de répugnant dans les yeux de Michèle Morgan. Et dans la foulée, il ignore la veine iconoclaste des films avec son frère Pierre ou le superbe Roi et l'Oiseau réalisé par Paul Grimaut.

Premier indice, Houellebecq met Prévert dans le sac de Brassens et de Vian, sac qu'il estime frappé d'optimisme. Étonnant non ? Cela donne surtout une idée du niveau de noir des sombres pensées de notre auteur.

 

Ensuite, on attaque la forme : Prévert serait un poète médiocre. Plutôt que de vous infliger une longue dissertation, je vous renvoie à un article sympa d'un autre défenseur. Et je vous propose ce petit jeu :

Citation 1 : « Paris est tout petit pour ceux qui s'aiment comme nous d'un aussi grand amour. »

Citation 2 : « J'étais seul au volant de ma Peugeot 104; avec la 205 j'aurais eu l'air plus frime. »

Un poète authentique s'est caché derrière l'une de ces citations, saurez vous le reconnaître ? Je sais que c'est facile mais c'est pas moi qui ait commençé. Pour être tout à fait honnête, Houellebecq a quand même écrit des choses plus intéressantes.

On en arrive au fond du problème : Prévert fait de la mauvaise poésie parce que sa vision du monde est « plate, superficielle et fausse ». Parce que c'est un libertaire. Rien que cela. Il aurait fallu aller plus loin. C'est surtout parce qu'il ne partage pas la vision déprimante, sinistre, résignée et cynique de Houellebecq qui sait, lui que noir c'est noir et qu'il n'y a plus d'espoir. D'ailleurs, il vit isolé en Angleterre avec un chien alors que cet andouille de Prévert vivait à Paris avec des chats. Quelle idée.

 

Je pense alors à ces paroles de la chanson « Triste compagne »du dernier et excellent album de Bénabar « Reprise des Négociations » :

Ce n'est pas non plus du spleen pourtant c'est toujours à la mode,
Mais c'est de la déprime qui frime le spleen,

C'est beaucoup trop snob.

 

Houellebecq est dans une posture dépressive (qui ne l'empêche pas de lancer son dernier bouquin comme le nouvel Harry Potter), alors que Prévert croyait en quelque chose de beau et le disait haut et fort dans ses oeuvres. Un poète, ça fait surgir des images et quelle plus belle image pour l'espoir que ces derniers vers :

Et le veilleur s'en va la casquette sur la tête

L'oiseau blessé dans le creux de la main

Le chat de gouttière tient la lanterne

Et il leur montre le chemin

 

Mais, excusez-moi, Prévert ne serait pas un véritable poète. Houellebecq, lui, serait donc le peintre implacable de notre génération, celle des quarantenaires désabusés.

 

Dans Caro Diario, de Nanni Moretti, il y a une scène que j'adore. Moretti est dans un cinéma et sur l'écran quatre personnages gris discutent : « Notre génération.... que sommes nous devenus... tous complices, tous compromis.. » Moretti se lève et les apostrophe : « Vous disiez des choses horribles et violentes, vous avez enlaidit. Je criais des choses justes et maintenant je suis un splendide quadragénaire ». Et moi, je me lève aux côtés de Moretti parce que je me sens aussi un splendide quadragénaire, je suis avec une femme formidable et nous aurons une petite fille en mars et je lui lirais du Prévert :

"Quand vous citez un texte con, n'oubliez pas le contexte"