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31/03/2008

Vous reprendrez bien un peu de madeleine ?

Rédacteur en chef du Canard Enchaîné, ce qui m'inspire le plus profond respect, Érik Emptaz est aussi romancier. Avec 1981 (éditions Grasset), il revient sur cette période qui suivit immédiatement la victoire de François Mitterrand le 10 mai, portant dans la foulée la gauche au pouvoir. Il évoque avec tendresse, humour et lucidité ce temps déjà lointain qui fit chanter à Barbara :

 

Regarde :
Quelque chose a changé.
L'air semble plus léger.
C'est indéfinissable.

Regarde :
Sous ce ciel déchiré,
Tout s'est ensoleillé.
C'est indéfinissable.

 

Vingt cinq ans plus tard, Érik Emptaz n'est certes pas dans la nostalgie gnangnan, mais il n'oublie pas ce que cela a représenté. Son roman est d'abord une histoire d'amour entre Louis, fils de banquier traumatisé par l'arrivée des socialo-communistes et apprenti scénariste, et la ravissante Élise aux escarpins en lézard vert dont le talon lâche en pleine cérémonie du Panthéon. Élise travaille pour la communication de la présidence, oui avec Seguéla, l'homme de la force tranquille. 1981commence par le Panthéon et se termine en plein été, juste après la garden party élyséenne du 14 juillet. Il fonctionne à la madeleine, accumulant les détails qui nous font remonter le temps : la sortie des Aventuriers de l'arche perdue de Spielberg, les chansons de Depeche Mode, La femme fardée de Françoise Sagan, la publicité, toujours plus présente, les marques comme dans les romans de Manchette. On se souvient, on s'attendrit.

Pourtant, une certaine gravité circule tout au long du roman, Érik Emptaz se mettant dès le premier chapitre sous le signe de la perte. Des nombreux personnages réels mis en scène, et pour les portraits desquels on reconnaît la veine satirique du journaliste (ah ! Les allusions à Ségolène Royal et la première montée à Solutré), c'est Dalida qui est mise en avant. Dalida dont le destin que l'on sait tragique donne cette première impression de tristesse diffuse. Fin d'une époque, sur un mode plus comique, avec le personnage de Georges Perruchot, aide-bourreau mis au chômage par Robert Badinter. Début d'une époque, aussi, avec Paul l'ancien amant d'Élise, atteint d'un mal étrange dont le nom n'est pas encore connu et qui s'attaque aux défenses immunitaires. Un mal que l'on traque encore dans la communauté homosexuelle. Un mal qui terrasse Paul, mort sans savoir de quoi, et qui laisse planer un sentiment de menace sur la romance des nouveaux amoureux, Louis et Élise. Ces histoire parallèles sont bien sûr une façon d'annoncer les désillusions à venir du pouvoir socialiste.

 

Le bonheur incrédule et maladroit de cette gauche qui n'en revient toujours pas de l'avoir emporté. Et pour qui soudain tout semble possible, même la confiance en l'avenir. Ils sont dans les promesses du début d'une histoire. Dans ces moments de grâce que l'on vit d'autant plus intensément qu'on les sait éphémères.

Mais c'est l'espoir qui nous tient qui l'emporte, les promesses politiques de ceux qui voulaient changer la vie, ce sont d'abord celles de Louis et Élise qui changent la leur et s'aiment comme des adolescents fébriles dans le jardin du musée Rodin. Derrière la porte de l'enfer.

Le livre

Chronique par Alain Amedro

Chronique par Véronique Barday

29/03/2008

Acteurs

Photographies dédicacées de Madeleine Lely et André Brulé, en souvenir de la représentation de L'homme qui assassina au théâtre du Gymnase de Marseille le dimanche 30 janvier 1927. Elles proviennent de la collection de mon grand-père paternel Roger Jourdan, que je n'ai pas connu mais qui adorait les spectacles. Il m'en est resté quelque chose.
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28/03/2008

Mathilde

Ma chanson préférée de Brel. En concert à Bergen, dans le nord des Pays-Pas.

 

26/03/2008

Poix de Picardie

J'avais envie depuis quelque temps d'une nouvelle rubrique pour mettre des trucs et des machins que j'ai dans mes placards, mes tiroirs, de vieux dossiers. Des images, des cartes postales, des cartes à jouer, des bricoles comme ça. Je commence avec cette carte postale, sans doute des années 60, de la petite ville de Poix de Picardie où étaient installée mes grands parents maternels. J'aime bien l'ambiance, les voitures et le magasin la ruche sur le côté. Sur la droite au milieu, le bâtiment un peu plus imposant, c'est l'hôtel de ville. (cliquez pour agrandir).
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24/03/2008

Devise

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22/03/2008

Nettoyage de printemps

Après Inisfree, il est temps de procéder ici aussi à un nettoyage printanier. Comme les oliviers, il faut tailler les blogs de temps en temps. Je vais mettre à jour quelques liens, dont ceux de monsieur Larcenet qui aime déménager souvent. Petit à petit, je vais intégrer les flux RSS des blogs en liens afin que vous puissiez, selon vos envies, voir un aperçu des dernières notes publiées et même vous abonner si le coeur vous en dit.

Sinon, j'ai modifié depuis peu la présentation. Elle me semble plus élégante mais ça reste assez futile. Plus important pour le confort du lecteur, j'ai ajouté sur la droite, en haut, un lien avec l'index des notes par mots clefs et par date.

Si vous passez par la cave du Dr Orlof, je vous recommande la série de notes autour de l'histoire de la littérature. Il s'agit d'explorer les grands mouvements et de partager ses découvertes. D'en faire aussi.

Un nouveau lien assez formidable : Au carrefour étrange, blog de curiosités hétéroclites, couvertures de livres, de disques, photographies, cartes postales, textes, revues, vidéo, autour de l'étrange donc, de l'érotisme, du fantastique. C'est superbe. Son animateur a pris le pseudonyme de Losfeld, du nom du fameux éditeur Eric Losfeld, disparu en 1979. Cet homme fut le fondateur des éditions Le terrain vague et on lui doit la parution des ouvrages de Benjamin Péret, Marcel Duchamp, Jean Boullet et Boris Vian ainsi que d'Emmanuelle. A noter qu'il fut un farouche combattant de la censure de ces années d'avant 1968, et un peu d'après encore. Il reste aussi l'éditeur de Midi-Minuit Fantastique, première revue conséquente consacrée au fantastique et à la science fiction qui reste une référence et un souvenir émouvant pour ceux qui l'ont connue. Au carrefour étrange perpétue l'esprit.

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De mon côté, mon nouveau temps de trajet me donne l'occasion de lire beaucoup plus. J'ai terminé le tome 4 du Combat ordinaire de Manu Larcenet, 1981 de Erik Emptaz, A la recherche de John Ford de Joseph McBride (à lire sur Inisfree), Lanternae magicae d'Ingmar Bergman et j'ai enfin découvert un épisode des aventures de Jean Valhardi par Jijé. A suivre selon mon inspiration sur l'Hispaniola.

19/03/2008

Conversation

Nostalgique, moi ? Pas forcément, mais comment ne pas soupirer de regret quand on découvre ce qu'à pu être la télévision. Voici, sur le site de l'INA, dans les désormais incontournables Archives pour tous, un passage de l'émission Bibliothèque de poche du 10 juillet 1970 dans lequel Michel Polac questionne René Fallet et Georges Brassens. Ceux-ci parlent de livres, de poésie, de Mon Oncle Benjamin de Claude Tillier, de Lamartine, Gide, Villon le poète préféré du chanteur, Leautaud, Aymé, Ovide, tant d'autres. Autant de talent, autant d'intelligence et de simplicité, c'est presque douloureux.

La vidéo

 

07/03/2008

La stratégie des antilopes

Le 6 avril 1994, l'avion du président rwandais Juvenal Habyarimana est abattu au moment d'atterrir à Kigali, la capitale. Dans les heures qui suivent, les extrémistes Hutus de l'armée, de la garde présidentielle et des milices interahamwe éliminent les opposants Hutus dont le premier ministre Agathe Uwilingiyimana et enclenchent le mécanisme du génocide de la minorité Tutsie. Le génocide durera trois mois, impliquant étroitement la population Hutue dans les tueries de masse. Il fera environ 800 000 morts et s'achève lorsque le FPR (Front Patriotique Rwandais) composé de rebelles Tutsis venus de l'extérieur obtient la victoire militaire totale.

Jean Hatzfeld, journaliste, correspondant de guerre pour Libération, a couvert le Rwanda après les massacres. Ce sera pour lui un tournant décisif et il va consacrer désormais la plus grande part de son existence à étudier le génocide. Il va se focaliser sur le district de Nyamata, dans le sud. Là ont eu lieu deux massacres de masse dans les églises de la ville de Nyamata et à N'tarama dès le début, les 14 et 15 avril 1994. Ensuite, les cultivateurs Hutus, armés et encadrés par les miliciens, vont traquer les Tutsis dans les marais de papyrus au nord et dans la forêt de Kayumba. Traque méthodique et cruelle envers ceux qui étaient leurs voisins. Un génocide de proximité. Un mois plus tard, l'arrivée du FPR chasse les Hutus vers le Congo. Les soldats du FPR relèveront 50 000 cadavres et sauveront moins de 3000 rescapés.

« Je dis souvent qu'une guerre, c'est comme un fleuve qui déborde. Il inonde tout ce qu'il y a autour, c'est quand même une rivière qui coule. Un génocide, c'est quand la rivière s'assèche : il n'y a plus rien. Tant que je vivrai, je retournerai à Nyamata. Même si je sais que je ne comprendrai jamais." » (Le Monde, mars 2002 - Brigitte Salino)

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De ses nombreuses rencontres, Hatzfeld va tirer un premier livre, Dans le nu de la vie en 2001 (Éditions du Seuil), composé d'entretiens avec les rescapés des marais. En 2003, il interroge au pénitencier de Rimila une bande de tueurs dans Une saison de machettes (Éditions du Seuil), ouvrage impressionnant où l'auteur s'interroge simultanément sur ce livre qu'il est en train de faire. Le cycle se termine (provisoirement) l'an passé avec La stratégie des antilopes (toujours le Seuil).

Ce troisième ouvrage est à la fois plus complexe et plus déroutant que les deux précédents. Suite à la politique de réconciliation mise en place et imposée par le nouveau pouvoir du président Kagame (ex-chef du FPR), un certain nombre de tueurs ont été libérés en 2003. Il faut dire que la défaite des Hutus avait provoqué un exode de près de deux millions de personnes effrayées par les perspectives de vengeance puis ramenées manu miltari par le FPR. Ensuite, dans ce petit pays ravagé où tant de monde avait participé aux tueries, il a fallu de façon inédite concilier la reconstruction, la justice et la restauration d'une unité nationale. D'où cette situation étonnante des victimes rescapées et de leurs anciens bourreaux sommés de cohabiter à nouveau ensemble. Dans une communauté essentiellement paysanne comme celle de Nyamata, où c'est le voisin qui a découpé la famille de son voisin à la machette, l'idée qu'ils puissent se croiser au marché ou sur la route en se saluant poliment donne le vertige.

Jean Hatzfeld a donc retrouvé tant les rescapés du premier livre que les tueurs du second et les a interrogé sur cette situation, sur la façon dont ils la vivent, mais aussi sur l'image du génocide et sa mémoire près de quinze ans après les faits. Plus complexe, le livre passe d'une thématique à l'autre, d'un récit de survie dans la foret de Kayumba à des considérations sur les tribunaux coutumiers Gaçaça mis en place pour assurer l'exigence de justice ; de l'histoire incroyable du mariage entre Pio, le tueur, avec Josianne, la rescapée à la place de la religion et de Dieu. L'ouvrage livre aussi les interrogations de l'auteur sur son travail ainsi que ses comparaisons avec le génocide juif. Il montre également, et ce sont les plus beaux passages, la profondeur de la pensée des rescapés, leur détresse parfois mais aussi leur volonté de vivre. Hatzfeld leur laisse très souvent la parole et retranscrit sans doute avec beaucoup d'attention un français superbe aux expressions délicieuses et policées contrastant souvent avec la teneur tragique des propos. Il y a également quelques lignes admirables sur la beauté du pays, la beauté de l'Afrique. Et encore quelques lignes terribles sur les hommes, les africains comme les occidentaux. Un peu déroutant, cette construction en « bonds d'antilope » n'a pas la rectitude des deux précédents ouvrages. C'est plus un kaleidoscope ou un puzzle dont le lecteur comme, on le pressent, l'auteur, cherche à assembler les pièces pour lui donner un sens. Mais il n'y a pas plus de sens à Nyamata qu'a Auschwitz juste une réflexion sur l'humanité.

 

Les livres de Jean Hatzfeld

Photographie : Echecs 64