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20/10/2006

Réflexions en prenant mon train

Cela a commencé par l’article de Jean-Luc Porquet du Canard Enchaîné, il y a quelques semaines, autour de la crise que traverse Libération et la prolifération des journaux gratuits. Tous les matins, en prenant mon train, je vois les voyageurs sollicités de façon insistante par les jeunes filles qui distribuent M…o. Cela m’agace de plus en plus. Porquet écrit que les gratuits sont en train de tuer la presse, que Libération, très menacé, est un journal énervant parfois mais que c’est justement pour cela qu’il est précieux. Les gratuits, eux, ne sont pas énervants, où plutôt pas de cette façon. Je me disais  qu’avec ce concept, « on » (je ne sais pas trop qui est derrière ce « on ») arrivait à nous faire lire les prospectus publicitaires que la plupart des gens jettent quand ils les reçoivent dans leur boîte aux lettres. « On »  a juste changé de support et enveloppé le tout d’une poignée d’informations insipides.

 

J’avais rapproché cette idée de la nouvelle que Universal allait ouvrir un service de téléchargement gratuit. Oui, comme les réseaux p2p qu’ils combattaient (et continuent de combattre). Le truc, c’est bien sûr qu’il y aura de la publicité dans les chansons. C’est le même principe qui considère n’importe quoi comme un support pour faire de l’argent avec de la publicité. Très fort. Je repensais à ceux qui avaient combattu l’idée de la licence globale au nom de la défense des droits des artistes. Tartuffes ou idiots, au choix. La fameuse licence aurait généré des revenus pour les auteurs d’une façon ou d’une autre. Le système d’Universal, et de ceux à venir, génère des revenus publicitaires pour les actionnaires d’Universal. La musique ne vaut pas plus ici que les infomations qui enrobent les journaux gratuits. Le consommateur aura donc acheté un support publicitaire et le musicien aura des queues de cerise. Les baisés comptez vous.

 

Ensuite, il y eu cette nouvelle : « La journaliste russe Anna Politkovskaïa, célèbre jusqu’en Occident pour sa couverture très critique de la guerre en Tchétchénie, a été tuée par balles à Moscou. Elle était l’une des rares journalistes à couvrir ce conflit oublié ». Je me suis dit que c’était finalement cela que l’on payait quand on achetait son journal : le travail d’un homme ou d’une femme, son engagement dans son métier, sa prise de risque, comme pour Florence Aubenas en Irak, comme pour Jean Hatzfeld au Rwanda et tous les autres. Le Monde a publié un article glaçant d’Anna Politkovskaïa qui donne la mesure de la haute idée qu’elle se faisait de son métier. Je n’imagine pas une seconde qu’une personne partageant cette haute idée puisse travailler pour un gratuit. Alors il faut se forcer et remercier gentiment mais fermement les jeunes filles qui distribuent M…o le matin.

19/07/2006

Anniversaire

Les hommes ne meurent que pour ce qui n'existe pas

André Malraux

L'espoir

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01/04/2006

Peuple et gouvernement

Je viens de commencer un gros pavé historique : L'Histoire des Gauches en France (éditions La Découverte). Je ne suis pas encore assez avancé pour vous en parler vraiment, mais je suis tombé sur cette citation de la Déclaration des Droits de l'Homme de 1793 qui m'a semblé entrer en résonance avec ce qui se passe aujourd'hui :

Article 14. Le peuple est le souverain ; le gouvernement est son ouvrage et sa propriété ; les fonctionnaires publics sont ses commis. Le peuple peut, quand il lui plaît, changer son gouvernement et révoquer ses mandataires.

Article 19. Dans tout état libre, la loi doit surtout défendre la liberté publique et individuelle contre l’autorité de ceux qui gouvernent. Toute institution qui ne suppose pas le peuple bon et le magistrat corruptible est vicieuse.

 

Ca laisse rêveur.

02/02/2006

Les grenouilles, au bénitier !

Lorsque le chevalier de La Barre, petit-fils d’un lieutenant général des armées, jeune homme de beaucoup d’esprit et d’une grande espérance, mais ayant toute l’étourderie d’une jeunesse effrénée, fut convaincu d’avoir chanté des chansons impies, et même d’avoir passé devant une procession de capucins sans avoir ôté son chapeau, les juges d’Abbeville, gens comparables aux sénateurs romains, ordonnèrent, non seulement qu’on lui arrachât la langue, qu’on lui coupât la main, et qu’on brûlât son corps à petit feu; mais ils l’appliquèrent encore à la torture pour savoir précisément combien de chansons il avait chantées, et combien de processions il avait vues passer, le chapeau sur la tête.

 


Voltaire, Dictionnaire Philosophique


J'ai immédiatement pensé à ce texte en apprenant les développements ahurissants de l'affaire des douze caricatures représentant Mahomet parues dans un journal danois il y a trois mois puis reprises en janvier par un quotidien norvégien (puis par France Soir histoire d'essayer de se renflouer, bravo l'alibi).


Rester tête couverte, dessiner la barbe du prophète, même acte impie, même blasphème qui ne saurait que se laver dans le sang et la souffrance de l'infidèle. Même bêtise à front mitré ou enturbanné. Même religion piège à con, opium du peuple, alibi de toutes les intolérances. On voit le piège dans lequel certains sont déjà tombé : relativiser en invoquant la provocation, un supposé racisme, une manipulation. Mes fesses dis-je. On ne peut PAS transiger avec des valeurs fondamentales.


"J'en ai marre de l'érosion de la liberté d'expression qui se produit en catimini", a expliqué le rédacteur en chef du magazine norvégien. "Avec le meurtre de Theo van Gogh (le cinéaste néerlandais assassiné en 2004), on a vu qu'il ne s'agissait pas de menaces vides. On sait que la liberté d'expression dans notre région du monde est menacée par une religion qui n'est pas étrangère au recours à la violence", a-t-il ajouté. Interrogé sur ses craintes de représailles, le journaliste a estimé que l'"on est sur la mauvaise voie si on cède à la peur dans ce domaine".

 


Juste, Auguste.

18/01/2006

En avant la musique !

Dans le Canard Enchaîné, ils appellent ça « les apparentements terribles ». Après le coup de force et d'éclat des députés sur la proposition de licence globale pour légaliser le téléchargement sur Internet, juste avant les fêtes, plusieurs chanteurs sont montés au créneau pour crier à l'assassin. Des petits jeunes qui n'arrivent pas à percer et que les abominables pirates vont réduire à la famine et à chanter... sous les ponts : Johnny Hallyday, Michel Sardou, M, Alain Souchon, Eddy Mitchel, Maxime le Forestier et, je ne les oublie pas et ça m'a fait de la peine, Louise Attaque ou encore Bénabar. Dans le tas, quelques perles comme celle-ci : "Si ma musique devient gratuite, alors je demande aux représentants de l'Etat qui travaillent pour le bien public de le faire gratuitement" (Michel Sardou). Moins d'un mois après, sont publiés les revenus de ces pauvres artistes en danger (source le Figaro) : Premier : Johnny Hallyday avec 6,6 millions d'euros de revenus ; Michel Sardou rétrograde à la 2e place avec 3,6 millions d'euros, pas mal pour quelqu'un dont la musique est gratuite ; Mylène Farmer en 3e place avec 3,5 millions d'euros ; Alain Souchon, quatrième avec 3,2 millions d'euros , devant Raphaël (5e, 2,4 millions d'euros), Gérard De Palmas (6e, 1,9 million d'euros), Florent Pagny (7e, 1,8 million d'euros), Calogero (8e, 1,6 million d'euros), M (9e, 1,5 million d'euros) et Yannick Noah qui pointe à la 10e place avec 1,4 million de revenus. Dans le même temps, l'étude menée par Que Choisir était aussi peu médiatisée que possible. Vous pouvez la lire ICI. Puis l'omniprésent ministre de l'Intérieur s'est prononcé contre la licence globale, lui, l'ami de Johnny et de Michel. Et puis, aujourd'hui sont tombés les chiffres des téléchargements payants : "Au cours des trois derniers mois, le nombre de titres téléchargés chaque semaine par les internautes depuis des plates-formes légales a été multiplié par 2,5". 20 millions de titres téléchargés en payant. Quand on sait ce que coûte la mise en ligne d'un morceau en MP3, je constate qu'il y a des marges qui sont encore bien grasses. Mais tout va mal mon pov' monsieur, la musique, ça eu payé... Mais ça paye plus. Vous êtes, cochon de consommateur, prié de le croire. A ce stade de coïncidences et d'étalage de mauvaise foi les mots m'en tombent. Et François Hollande qui vient d'en rajouter une couche et suivre la position de Sarko. Hé, François, Ségolène a signé la pétition du Nouvel Observateur en avril. Mais qui tu défends, camarade ?

08/12/2005

Non au projet de loi DADVSI !

D'ici la fin de l'année, l'Assemblée Nationale revient à la charge sur un sujet qui metient à coeur et examinera le projet de loi « droit d'auteur et droits voisins dans la société de l'information » (DADVSI de son petit nom). Cet examen sera fait en procédure d'urgence. Ce projet, sous influence des grosses sociétés de l'informatique et du divertissement est une menace directe aux logiciels libres comme aux formes culturelles refusant le flicage généralisé des fichiers numériques (films, musique, texte, photographies). Si ce projet est adopté en l'état, les conséquences sociales, économiques, stratégiques et démocratiques seront importantes. Ces conséquences frapperont tout utilisateur de données numériques dans sa sphère privée, personnes physiques (vous et moi) comme morales (associations, sociétés, administrations). A titre personnel, j'ai signé la pétition demandant le retrait de l'ordre du jour parlementaire de ce projet de loi. Cette pétition a été lancée le 2 décembre 2005 par l'initiative EUCD.INFO qui informe depuis trois ans sur les conséquences prévisibles du projet de loi DADVSI. L'initiative lancée le 2 décembre invite tout citoyen à interpeller les députés et les responsables politiques afin de leur faire comprendre les dangers de ce projet de loi. Pour en savoir plus, visitez le site de EUCD-Info.


Pétition demandant le retrait de l'ordre du jour parlementaire du projet de loi DADVSI

Monsieur le Président de la République, Monsieur le Premier Ministre,

Le gouvernement a déclaré l'urgence sur le projet de loi DADVSI (Droits d'Auteur et Droits Voisins dans la Société de l'Information – n°1206, http://www.assemblee-nationale.fr/12/dossiers/031206.asp), qui devrait transposer la directive EUCD (European Union Copyright Directive – 2001/29CE).

Ce projet de loi doit être présenté à l'Assemblée Nationale au cours de deux séances de nuit rapprochées, à la fin du mois de décembre 2005.

Au vu de l'importance des enjeux de ce texte sur la vie quotidienne de millions de citoyens et d'utilisateurs de données numériques, des conséquences sociales, technologiques, économiques et géo-stratégiques qu'il entraînera, et des conditions de sa rédaction, un tel délai est manifestement insuffisant.

Depuis près de trois ans les membres de l'initiative EUCD.INFO (http://eucd.info), ainsi que de nombreuses associations, informent, rencontrent et débattent pour expliquer les graves conséquences qui pourraient découler d'une transposition a minima de la directive EUCD en droit français. Or le projet de loi 1206 va bien plus loin que cette directive.

Par ailleurs, les débats autour de ce texte ont été étouffés sous couvert d'expertise. Les avis contraires aux intérêts des multinationales ont été censurés. Certaines parties comme les PME françaises du secteur des TICS, les auteurs et les utilisateurs de logiciels libres, les internautes ou les bibliothécaires n'ont pas pu contribuer au débat dans les instances de décision. Leurs demandes ont été ignorées et celles soutenues par les représentants d'artistes et les associations de consommateurs ont été rejetées sans réel examen de leur pertinence.

Il risque d'en être de même si le projet de loi est examiné en urgence par les parlementaires.

Par cette pétition, je vous demande donc solennellement de :
- retirer le projet de loi n° 1206 sur le droit d'auteur de l'ordre du jour parlementaire ;
- organiser un vrai débat entre les parties concernées visant à trouver un réel équilibre, et où les associations d'auteurs et d'utilisateurs de logiciels libres, de bibliothécaires, et d'internautes pourront réellement participer;
- faire en sorte que les demandes notamment de l'initiative EUCD.INFO et de l'interassociation des archivistes, bibliothécaires et documentalistes (http://droitauteur.levillage.org) soient prises en compte.

En signant cette pétition, je m'associe aux nombreuses organisations qui s'opposent clairement aux dispositions de ce projet de loi et aux conditions de son élaboration.
 

10/11/2005

Michel Houellebecq en est un fameux

Mes lectrices et lecteurs me pardonneront, mais je n'ai pu me résoudre à l'emploi de ce « petit vocable de trois lettres pas plus » qui doit être compris au sens de Brassens bien sûr.

Michel Houellebecq , au départ, je ne savais pas trop qui il était. J'avais entendu parler de sa sortie sur l'Islam à l'occasion de son roman « Plateforme », mais c'était quasiment tout. Mais depuis que je fréquente certains blogs, des blogs d'écrivains en particulier, je lis beaucoup de choses sur lui. Des choses négatives et des choses positives, positives au point que certains le considèrent comme l'écrivain de sa génération. Sa génération étant la mienne, j'ai commencé à m'y intéresser sérieusement. Je me suis beaucoup tâté à la sortie de son dernier bouquin, « La possibilité d'une île » mais mon instinct, qui se trompe rarement, m'a retenu. J'ai lu aussi certains de ses textes publiés sur Internet.

 

Et puis, l'autre jour, dans un supermarché, je tombe sur « Rester Vivant » dans une de ces collections à 2€. Je feuillette en attendant à la caisse et tombe sur les deux pages d'un article intitulé : « Jaques Prévert est un con ». Texto. Là, je me suis dit que mon instinct avait été sûr. Prévert, dans mon Panthéon personnel est très haut. Et puis on ne traite pas les gens de « cons » comme cela, la moindre des choses est de dire pourquoi, d'argumenter un minimum. Et là, j'ai trouvé Houellebecq très léger. Qu'il n'aime pas Prévert c'est son droit, mais à partir du moment ou il publie son opinion, il a les devoirs de tout critique qui se respecte. En même temps, j'ai trouvé que son texte révélait pas mal de choses sur lui. Pour commencer, il met en avant le Prévert qui écrit sur les fleurs, les oiseaux et l'amour, histoire de donner une image de légèreté. Il évacue le Prévert social et politique, celui qui écrit sur l'oeuf dur et le poète de La Crosse en l'air. Pourtant, ce dernier texte écrit à chaud lors du début de la guerre d'Espagne est l'une des oeuvres maîtresses du XXe siècle, indispensable pour le comprendre. Un texte dont, il est vrai, il est difficile de trouver l'équivalent aujourd'hui.

 

Houellebecq reproche ensuite à Prévert le réalisme poétique. Le Crime de M Lange, Quai des brumes, Les Enfants du Paradis, tout ça ne plaît pas à Houellebecq. Pourquoi ? On ne sait pas, c'est comme ça. Comme c'est intéressant. Après tout, ce n'est que l'un des mouvements majeurs du cinéma français, voire européen, qui a engendré entre autres le néo-réalisme italien. "Répugnant" dit-il. Je serais curieux de savoir ce qu'il trouve de répugnant dans les yeux de Michèle Morgan. Et dans la foulée, il ignore la veine iconoclaste des films avec son frère Pierre ou le superbe Roi et l'Oiseau réalisé par Paul Grimaut.

Premier indice, Houellebecq met Prévert dans le sac de Brassens et de Vian, sac qu'il estime frappé d'optimisme. Étonnant non ? Cela donne surtout une idée du niveau de noir des sombres pensées de notre auteur.

 

Ensuite, on attaque la forme : Prévert serait un poète médiocre. Plutôt que de vous infliger une longue dissertation, je vous renvoie à un article sympa d'un autre défenseur. Et je vous propose ce petit jeu :

Citation 1 : « Paris est tout petit pour ceux qui s'aiment comme nous d'un aussi grand amour. »

Citation 2 : « J'étais seul au volant de ma Peugeot 104; avec la 205 j'aurais eu l'air plus frime. »

Un poète authentique s'est caché derrière l'une de ces citations, saurez vous le reconnaître ? Je sais que c'est facile mais c'est pas moi qui ait commençé. Pour être tout à fait honnête, Houellebecq a quand même écrit des choses plus intéressantes.

On en arrive au fond du problème : Prévert fait de la mauvaise poésie parce que sa vision du monde est « plate, superficielle et fausse ». Parce que c'est un libertaire. Rien que cela. Il aurait fallu aller plus loin. C'est surtout parce qu'il ne partage pas la vision déprimante, sinistre, résignée et cynique de Houellebecq qui sait, lui que noir c'est noir et qu'il n'y a plus d'espoir. D'ailleurs, il vit isolé en Angleterre avec un chien alors que cet andouille de Prévert vivait à Paris avec des chats. Quelle idée.

 

Je pense alors à ces paroles de la chanson « Triste compagne »du dernier et excellent album de Bénabar « Reprise des Négociations » :

Ce n'est pas non plus du spleen pourtant c'est toujours à la mode,
Mais c'est de la déprime qui frime le spleen,

C'est beaucoup trop snob.

 

Houellebecq est dans une posture dépressive (qui ne l'empêche pas de lancer son dernier bouquin comme le nouvel Harry Potter), alors que Prévert croyait en quelque chose de beau et le disait haut et fort dans ses oeuvres. Un poète, ça fait surgir des images et quelle plus belle image pour l'espoir que ces derniers vers :

Et le veilleur s'en va la casquette sur la tête

L'oiseau blessé dans le creux de la main

Le chat de gouttière tient la lanterne

Et il leur montre le chemin

 

Mais, excusez-moi, Prévert ne serait pas un véritable poète. Houellebecq, lui, serait donc le peintre implacable de notre génération, celle des quarantenaires désabusés.

 

Dans Caro Diario, de Nanni Moretti, il y a une scène que j'adore. Moretti est dans un cinéma et sur l'écran quatre personnages gris discutent : « Notre génération.... que sommes nous devenus... tous complices, tous compromis.. » Moretti se lève et les apostrophe : « Vous disiez des choses horribles et violentes, vous avez enlaidit. Je criais des choses justes et maintenant je suis un splendide quadragénaire ». Et moi, je me lève aux côtés de Moretti parce que je me sens aussi un splendide quadragénaire, je suis avec une femme formidable et nous aurons une petite fille en mars et je lui lirais du Prévert :

"Quand vous citez un texte con, n'oubliez pas le contexte"

 

14/10/2005

Les héros sont fatigués

Titre facile, mais depuis que l'on a retiré sa cigarette à Lucky Luke, il n'est plus tout à fait le même. Et Astérix tout mythique qu'il soit devenu, file un mauvais coton. René Gosciny, que son nom soit vénéré, en ayant la mauvaise idée de mourir, a porté un rude coup non seulement au cow boy solitaire (Bien que ce ne soit pas lui qui lui ait retiré la clope de la bouche), mais aussi au petit gaulois moustachu. Astérix de son patronyme, dont le nouvel album sort aujourd'hui avec un matraquage façon Potter ou Houellebecq. Bon, je suis allé feuilleter la chose histoire de voir et bien que je n'attende plus grand chose de la part d'Uderzo depuis les délires du Grand Fossé. J'ouvre donc l'album à la couverture trop lisse et je découvre : un oeuf spatial façon Métal Hurlant (le film), un superman en collants et cape façon Superman, un extraterrestre façon schtroumph violet qui va devenir gigantesque façon Godzilla et une sorte de robot façon Goldorak. Saisi d'épouvante je referme le volume et je vous assure que je n'ai rien bu ni rien fumé avant de me livrer à cette expérience. Tristesse. La seule référence qui me soit venue à l'esprit, c'est le pitoyable Gendarme et les Extraterrestres et ses effets débiles. Comme les concessions faites par Morris au marché américain pour vendre Lucky Luke, on peut s'interroger sur les raisons de la pente fatale ou Uderzo entraîne Astérix. Médiocre scénariste, d'accord. Pas envie de travailler avec quelqu'un d'autre (ce qui réussit parfois à Morris) bon. Sénilité ? Goût du lucre ? Obsession de « faire moderne » ? Revanche du créateur sur sa créature ? Je me perds en conjectures, mais quelque part, je m'en fiche. Je pense à Gosciny, sa modestie et son humour, et je suis triste. Je vais relire Astérix en Corse.