24/06/2007
Le château
K. est arpenteur. K. est ce héros sans nom lui aussi. Il arrive au village, engagé par le château, mais il ne semble pas attendu et, rapidement, encore moins désiré. Y a-t'il eu erreur sur la convocation ? K. Va entamer une lutte obstinée et résolue pour faire valoir ses droits. Une lutte complexe pour accéder à l'étrange pouvoir qui règne au château et régit la vie de tous. Un pouvoir qui agit à distance, dont la distance même est la force la plus redoutable. K. ne parviendra pas au château, il ne pourra même pas accéder jusqu'aux fonctionnaires subalternes qui descendent parfois s'occuper de leurs affaires au village. Ironiquement, le roman s'achève alors que K. est sur le point de rencontrer enfin l'un d'eux. Un inachèvement qui parachève cette impression de cauchemar, toujours interrompu au mauvais moment.
Mais l'enjeu n'est pas là. Il est dans la lutte, car K. se bat, courageusement, inlassablement. Il questionne, manoeuvre, refuse, s'affirme. Il parle. Le corps du livre est fait de longues conversations, plutôt des échanges de monologues, entre K. et celles qui sont à la fois ses précieuses alliées et ses meilleures ennemies : les femmes, Frieda qu'il veut épouser après l'avoir séduite, Olga et sa soeur à la terrible destinée, la patronne de l'auberge. Longs échanges où l'on progresse difficilement dans la jungle des mots. Chaque idée est nuancée et précisée avec de multiples précautions.
Le château est fascinant. J'ai aimé me perdre dans les longues tirades de K. et de ses contradicteurs. Il se prête bien sur à de multiples interprétations. Il y a celle liée à la religion, qui me touche donc peu. K. essayerait de s'élever vers la Grâce symbolisée par le château et transcender sa condition d'homme. Il y a la plus évidente critique ironique du fonctionnement de la société, de la façon dont elle pèse sur nos existences. Nous sommes là proche de l'Orwell de 1984 et de La ferme des animaux. C'est une grille de lecture peut être plus pertinente que jamais aujourd'hui où nous nous débattons dans des vies normées, encadrées fichées avec toujours plus d'efficacité et l'illusion (relative ?) de la liberté. On peut également être sensible à la lecture d'une parabole sur le nazisme naissant (le livre date de 1927) et qui rejettera violemment l'oeuvre de Kafka. Ou à une parabole plus large sur le destinée humaine et la solitude comme le sont les autres oeuvres de Kafka.
Mais Le château me semble aussi un grand livre de résistance. Même si Max Brod, l'homme qui fit paraître les ouvrages inachevés, explique en postface que Kafka avait prévu de faire mourir K. pour que son échec soit total. Tel qu'il est, le roman est plus près encore de la vie, toujours irrésolue. L'important est dans le combat ais-je écrit plus haut. K. pourrait partir, quitter le village et ses folies, tenter sa chance ailleurs. Mais non, il choisit en connaissance de cause de rester et de se battre.
J'ai acheté mon exemplaire à Cavaillon, dans un stand de bouquiniste. C'est une jolie édition de 1947, la traduction d'Alexandre Vialatte avec une curieuse couverture de Mario Prassinos. Ce peintre d'origine grecque a illustré Sartre, travaillé avec Vilar à Avignon, il était lié à Queneau, Char et les surréalistes. Je vous montre ça.
Le livre
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18/05/2007
Un questionnaire
Un questionnaire littéraire auquel j'ai eu envie de répondre, récupéré chez Ludovic (qui lui même avait été sollicité par ailleurs).
Les 4 livres de mon enfance :
Coke en stock de Hergé. Il n'y avait pas que Tintin, mais il y avait beaucoup Tintin
L'Ile mystérieuse de Jules Verne. Le triomphe de l'esprit humain et la possibilité de tout recommencer à zéro. Mon Verne préféré.
Les cinq et le trésor de l'Ile d'Enyd Blyton. J'aime toujours les livres qui racontent un commencement.
2001, l'odyssée de l'espace de Arthur C Clarke. J'avais vu le film et je voulais mieux comprendre. Le livre ne m'a pas beaucoup aidé.
Les 4 écrivains que je lirai et relirai encore :
Shakespeare.
Ernest Hemmingway.
Primo Levi.
Alexandre Dumas.
Les 4 auteurs que je ne lirai probablement plus jamais :
Ian Fleming
James Fenimore Cooper
Alexandre Jardin
André Chénier
Les 4 premiers livres de ma liste à lire :
Jean-Christophe de Romain Rolland. Depuis que j'ai lu Zweig.
Intégrale de Jean Patrick Manchette. (Déjà bien entamée).
La prisonnière de Montezuma de H. Rider Haggard.
Renoir / Renoir ouvrage collectif de la Cinémathèque française.
Les 4 livres que j'emporterais sur une île déserte :
L'Ile mystérieuse de Jules Verne. Ca s'impose.
Tout Franquin. Ne pas oublier de rire.
Hitchcock – Truffaut. Le livre sur le cinéma.
Le décaméron de Boccace.
Les derniers mots d'un de mes livres préférés :
Elle était certaine que, dans les années à venir, Alice garderait son coeur d’enfant, si aimant et si simple ; elle rassemblerait autour d’elle d’autres petits enfants, ses enfants à elle, et ce serait leurs yeux à eux qui deviendraient brillants et avides en écoutant mainte histoire extraordinaire, peut-être même cet ancien rêve du Pays des Merveilles. Elle partagerait tous leurs simples chagrins et prendrait plaisir à toutes leurs simples joies, en se rappelant sa propre enfance et les heureuses journées d’été.
Alice au pays des merveille - Lewis Carroll
Les 4 lecteurs dont j'aimerais connaitre les 4 :
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01/12/2006
Les belles histoires d'oncle Bernard
Voici un économiste que je comprends quand il me parle d'économie. Bernard Maris, dit Oncle Bernard dans Charlie Hebdo, vient de sortir le tome 2 de son anti-manuel d'économie aux éditions Bréa. Après les fourmis, cette seconde partie est logiquement consacrée aux cigales.
Voyez la violence actuelle des charges contre les 35 heures ! Elles posaient pourtant la question d'un nouvel humanisme : la qualité de la vie. Elles sont dangereuses, nous dit le capitaliste. Au rêve de la fin du travail, on oppose le travail sans fin. Au possible épanouissement dans le boulot, on oppose la compétition à marche forcée.
Entretien par Christian Losson - Libération
Un entretien dans Libération
Un article de Jean Zin sur le tome 1
Les livres
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23/11/2006
La réponse de Kipling
There were thirty million English who talked of England's might,
There were twenty broken troopers who lacked a bed for the night.
They had neither food nor money, they had neither service nor trade;
They were only shiftless soldiers, the last of the Light Brigade.
They felt that life was fleeting; they knew not that art was long,
That though they were dying of famine, they lived in deathless song.
They asked for a little money to keep the wolf from the door;
And the thirty million English sent twenty pounds and four!
They laid their heads together that were scarred and lined and grey;
Keen were the Russian sabres, but want was keener than they;
And an old Troop-Sergeant muttered, "Let us go to the man who writes
The things on Balaclava the kiddies at school recites."
They went without bands or colours, a regiment ten-file strong,
To look for the Master-singer who had crowned them all in his song;
And, waiting his servant's order, by the garden gate they stayed,
A desolate little cluster, the last of the Light Brigade.
They strove to stand to attention, to straighten the toil-bowed back;
They drilled on an empty stomach, the loose-knit files fell slack;
With stooping of weary shoulders, in garments tattered and frayed,
They shambled into his presence, the last of the Light Brigade.
The old Troop-Sergeant was spokesman, and "Beggin' your pardon," he said,
"You wrote o' the Light Brigade, sir. Here's all that isn't dead.
An' it's all come true what you wrote, sir, regardin' the mouth of hell;
For we're all of us nigh to the workhouse, an, we thought we'd call an' tell.
"No, thank you, we don't want food, sir; but couldn't you take an' write
A sort of 'to be continued' and 'see next page' o' the fight?
We think that someone has blundered, an' couldn't you tell 'em how?
You wrote we were heroes once, sir. Please, write we are starving now."
The poor little army departed, limping and lean and forlorn.
And the heart of the Master-singer grew hot with "the scorn of scorn."
And he wrote for them wonderful verses that swept the land like flame,
Till the fatted souls of the English were scourged with the thing called Shame.
O thirty million English that babble of England's might,
Behold there are twenty heroes who lack their food to-night;
Our children's children are lisping to "honour the charge they made-"
And we leave to the streets and the workhouse the charge of the Light Brigade!
Rudyard Kipling
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02/09/2006
Les soldats de salamine, un récit réel
Les soldats de Salamine de l'espagnol Javier Cercas est un livre assez étonnant. Non pas de la littérature remarquable mais une forme originale. C'est un « récit réel », trois histoires vraies en fait, et puis aussi l'histoire du livre en train de se faire. Une histoire presque vraie elle aussi.
C'est d'abord l'étrange aventure de Rafael Sanchez Mazas, écrivain, poète, aristocrate, intellectuel, fondateur de la Phalange, ce groupe d'inspiration fasciste qui sera des plus actif dans le déclenchement du coup d'état de Francisco Franco en 1936 et qui, plus tard, sera l'un des piliers du régime. Sanchez Mazas, lui, vivra la guerre planqué à l'ambassade du Chili de madrid assiégée, puis après une tentative rocambolesque, sera prisonnier à Barcelone et fusillé dans les dernières semaines de la guerre civile. Mais il survit à son exécution, s'échappe à la faveur de la confusion, se cache et est alors découvert par un soldat républicain. Celui-ci lui jette un long regard et, en réponse à un appel de ses camarades dit : « Par ici, il n'y a personne ». Puis il s'en va. Sanchez Mazas mourra en 1966 sans être devenu un grand écrivain.
C'est ensuite l'histoire de Javier Cercas, journaliste ayant renoncé à la littérature, qui entend cette histoire, la creuse, en se disant qu'il y a quelque chose à comprendre dans le regard du républicain au phalangiste. Il enquête et, petit à petit sent un livre naître en lui, poussé par son amie, Conchi, que l'on imagine bien sortie d'un film d'Almodovar, et par un écrivain chilien exilé. Cercas tâtonne, découvre, hésite, raconte par le menu son travail de réflexion qui aboutit au texte central : les soldats de Salamine. Mais le texte est bancal, c'est à dire qu'il est bien écrit mais que sa conclusion mélancolique, amère, laisse une impression d'inachevé. Il faut une troisième histoire.
Ce sera celle de Miralles, apprenti tourneur catalan, recruté à 18 ans par l'armée républicaine. Il fera tout la guerre sous le commandement du fameux général Lister. Il devient communiste. Il est sur l'Ebre, à Teruel, à Belchite. En 1939, il passe en France, se retrouve dans le camps de concentration pour républicains espagnols d'Argeles, s'engage dans la légion étrangère. La France entre en guerre, et Miralles part dans l'aventure folle de Leclerc, traverser la moitié de l'Afrique pour créer la France libre. Miralles sera de toute cette guerre aussi, L'Afrique, la Normandie, il entre dans Paris avec la 2eme DB le 24 août. « Gualajara », « Teruel », « Madrid » étaient parmis les noms des premiers blindés à enter dans la ville. Il saute sur une mine en Autriche mais survit et devient un paisible retraité. Petit à petit, Cercas comprend qu'il est le véritable héros et en vient à croire que, peut être, c'est lui le républicain qui a épargné Sanchez Mazas. Cercas est au bout de sa quête littéraire et humaine.
« [...] Je vis Miralles marcher à travers le désert de Lybie vers l'oasis de Murzuch, jeune, déguenillé, poussiéreux et anonyme, brandissant le drapeau tricolore d'un pays qui n'est pas le sien, d'un pays qui est tous les pays à la fois et aussi celui de la liberté et qui n'existe que parce que lui et quatre maures et un noir ne cessent de le brandir, tout en continuant à marcher de l'avant, de l'avant, toujours de l'avant. »
Ca fait du bien.
Rencontre avec les traducteurs du livre ICI.
Une chanson : Ya sabes me paradero
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12/07/2006
Les cafards et les vautours
Scholastique Mukasonga écrit aussi. Elle vient de publier Inyenzi ou les cafards (Éditions Gallimard), un récit qui bouleverse et qui apprend aussi le quotidien des Tutsis depuis l'indépendance, un récit qui montre avec simplicité et force que la violence était là depuis le début et que ce génocide n'est un point d'aboutissement longtemps mûrit à l'ombre de la haine. Ce livre, elle l'a voulu comme « un tombeau de papier » pour tous les siens, toute sa communauté décimée à Nyamata. Pour que nous ne les oublions pas. Pour que nous n'oublions pas. C'est un livre de deuil. Un livre de survivant, comme ceux de Primo Levi ou d'Imre Kertesz. Un livre précieux.
Scholastique Mukasonga a aussi ouvert un blog, bonne idée, pour échanger avec ses lecteurs. Le blog est ICI.
Scholastic avec un c est un gros groupe d'édition américain. Ce sont eux qui éditent, entre autres, les magnifiques aventures de Harry Potter qui vit dans un monde (presque) merveilleux où il n'y a pas de génocide, de famine ou de misère mais où il y a des droits. Ah mais, le Canard Enchaîné d'aujourd'hui nous apprends que l'on ne rigole pas avec les questions de droits. Les Éditions Scholastic touts droits réservés sur le c, ont intimé l'ordre à la dangereuse contrevenante de fermer son blog. On a pas idée de s'appeler Scholastique, même si l'on est rwandaise et que l'on fait un travail de deuil. On croit rêver quand on lit cela, quelle honte ! Quel dévoiement des valeurs humaines les plus élémentaires pour en arriver à intenter une telle démarche (Il y a des coups de boule qui se perdent). Voici pourquoi, au moment même où un recours est déposé contre la loi DADVSI, il ne faut cesser de lutter contre la tyrannie des marques, des logos, des copyrights et de leur logique poussée à ce point de l'absurde et de l'indigne.
Cher lecteur qui passe et s'arrête un instant sur ce texte, passe donner un mot d'encouragement à Scholastique et si tu le souhaite, le fond de ta pensée aux Éditions presque homonymes (news@scholastic.com).
Le livre sur la boutique
22:50 Publié dans Saines lectures | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature, droits | | del.icio.us | Facebook
23/06/2006
Voix endormies
L'écrivain Dulce Chacon est morte trop tôt, en 2003, mais elle aura eu le temps de terminer son ultime livre, Voix endormies (La voz dormida), et d'apprécier son énorme succès public et critique en Espagne. Un livre qui conclut une oeuvre engagée dans laquelle la mémoire de la guerre civile espagnole tient une place primordiale. Un livre qui sera sortit à point au moment où le pays a entrepris d'affronter son passé, de faire le deuil enfin, après 35 années de dictature franquiste et une longue période où un voile de silence gêné était de rigueur. Voix endormies donne la parole à une demi-douzaine de femmes. Syndicalistes, républicaines, communistes, simples citoyennes, elles payent le prix de la défaite dans les prisons et face aux pelotons d'exécution de Franco. Elles s'appellent Elvira, Pepita, Hortensia, Reme, Tomasa et ont souvent pris les armes pour lutter aux côtés de leurs frères, leurs pères, leurs maris, leurs amants. Et souvent sont tombées à leurs cotés.
Elle s'était déjà habituée à parler à voix basse. Non sans effort, mais elle s'y était habituée. Et elle s'était aussi habituée à ne pas se poser de questions, à accepter que la défaite s'enfouisse au fond, au plus profond d'elle-même, sans demander la permission, et sans donner d'explications. Et elle avait faim, et froid, et elle avait mal aux genoux, mais elle ne pouvait pas s'arrêter de rire.
Elle riait.
De 1939 aux années 60, elle devront surmonter l'humiliation de la défaite, la prison, la torture, l'exil et la mort de leurs proches. Elles devront apprendre à lutter autrement, à transmettre leur engagement républicain à travers les années sombres et à garder l'espoir d'un futur meilleur. Écrit avec pudeur, fougue et simplicité, le livre de Dulce Chacon redonne une voix vibrante à celles qui lui ont raconté, à voix basse encore, leur histoire. Une histoire de courage et de mémoire. Elle fait revivre certains évènements peu connus. L'exécution des 13 roses, 13 mineures exécutées en représailles de l'éxécution d'un officier le 4 août 1939 à la prison de Las Ventas. La guérilla communiste qui se poursuivit jusqu'à la fin de la seconde guerre mondiale avec l'espoir que les vainqueurs de Mussolini et de Hitler viendraient s'occuper de Franco. L'épisode du Val d'Aran, en 1944, ultime tentative d'envergure de la guérilla qui échoua piteusement.
A partir d'un long travail d'investigation, Dulce Chacon a bâtit une trame dramatique enchevêtrant les intrigues dans lesquelles chacune de ces femmes illustre un aspect de la condition de toutes les femmes républicaines espagnoles. Avec deux figures marquantes : Hortensia, la femme qui allait mourir, obtenant un sursis pour que son enfant puisse venir au monde et Pepita, la jeune femme aux yeux si bleus, incarnation même de l'esprit de résistance. J'émettrais juste un bémol à ce livre fort, quand bien même l'environnement historique le justifierait, la forte représentation du partit communiste sans critique excessive. Après avoir lu Orwell et vu Loach, j'ai regretté qu'anarchistes et socialistes soient absents de ces pages (mis à part une peu sympathique blonde). Ils avaient sûrement des femmes dans leurs rangs.
Affiche de Sim (Rey Vila) tirée du livre Les affiches des combattant-e-s de la Liberté ! (Éditions Libertaires et les Éditions du Monde Libertaire )
Pistes :
Un extrait (les premières pages)
Un article du Monde Diplomatique
Le livre sur la Boutique
Le site Espana36 sur la guerre civile
06:30 Publié dans Saines lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, espagne | | del.icio.us | Facebook
21/06/2006
Espagne 1936 - 2006
On a peine aujourd'hui à se souvenir de ce l'Espagne a représenté pour les libéraux et les hommes de gauche des années 1930, alors même que pour nombre d'entre nous, les survivants, qui avons dépassé l'espérance de vie biblique, elle demeure la seule cause politique qui, même avec le recul, paraisse aussi pure et irrésistible qu'en 1936.
Eric J.Hobsawm
l'Âge des extrêmes
Histoire du court XXe siècle
Editions Complexe
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15/06/2006
Salut, l'artiste
Ouï dire
très irrégulièrement.
Par exemple, le verbe "Ouïr".
Il faudrait préciser :
" Dieu, que ce que j'ois est triste ! "
J'ois...
Tu ois...
Tu ois mon chien qui aboie le soir au fond des bois ?
Il oit...
Oyons-nous ?
Vous oyez...
Ils oient.
C'est bête !
L'oie oit. Elle oit, l'oie !
Ce que nous oyons, l'oie l'oit-elle ?
Si au lieu de dire " l'oreille "
on dit " l'ouïe ", alors :
l'ouïe de l'oie a ouï.
Pour peu que l'oie appartienne à Louis :
" L'ouïe de l'oie de Louis a ouï. "
" Ah oui ? Et qu'a ouï l'ouïe de l'oie de Louis ? "
" Elle a ouï ce que toute oie oit... "
" Et qu'oit toute oie ? "
" Toute oie oit, quand mon chien aboie
le soir au fond des bois,
toute oie oit : ouah ! ouah !
Qu'elle oit, l'oie !... "
Au passé, ça fait :
J'ouïs...
J'ouïs !
Il n'y a vraiment pas de quoi !
13:20 Publié dans Ici et maintenant | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : litterature, humour | | del.icio.us | Facebook
05/02/2006
Zweig
"Malgré tout ce qui chaque jour me hurle aux oreilles, malgré tout ce que moi-même et d'innombrables compagnons d'infortune avons souffert d'humiliation et d'épreuves, Il ne m'est pas possible de renier tout à fait la foi de ma jeunesse en un nouveau redressement, malgré tout, malgré tout. Même de l'abîme de terreur où nous allons aujourd'hui à tâtons, à demi aveugles, l'âme bouleversée et brisée, je ne cesse de relever les yeux vers ces anciennes constellations qui resplendissaient sur ma jeunesse et me console avec la confiance héritée de mes pères qu'un jour cette rechute ne paraîtra qu'un intervalle dans le rythme éternel d'une irrésistible progression"
Stefan Zweig (Le Monde d'Hier)
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21/12/2005
Aimé Cesaire
Je suis venu tout récemment à Aimé Cesaire via Gaston Keljman et son livre « Je Suis Noir et Je N'aime Pas le Manioc » qui le cite fréquemment. De Cesaire, je connaissais le nom mais ni l'homme ni son oeuvre. Martiniquais, Maire de Fort de France pendant 56 ans, poète, député et rapporteur de la loi faisant des colonies de Guadeloupe, Guyane Française, Martinique et la Réunion, des Départements Français en 1946, créateur de la revue Tropiques, théoricien de la négritude, communiste lucide donc démissionnaire, homme de théâtre, patriarche respecté, il est aussi l'homme qui vient de refuser de recevoir Nicolas Sarkozy. Total respect comme on dit à Juvisy.
Au moment où, après la crise des banlieues et la mauvaise digestion par la France de son passé colonial, le débat revient vivement sur les valeurs fondamentales de notre république, la parole de Aimé Cesaire est précieuse.
Il s'agit de savoir si nous croyons à l'homme et si nous croyons à ce que l'on appelle les droits de l'homme. A liberté, égalité, fraternité, j'ajoute toujours identité. Car, oui, nous y avons droit.
Ces paroles sonnent juste. Coïncidence, vient de sortir un livre « Nègre je suis, Nègre je resterais », livre d'entretien avec Françoise Vergès, réunionaise, professeur de science politiques à l'université de Londres et vice-présidente du Comité pour la mémoire de l'esclavage. Sur ce sujet :
La réparation, c'est une affaire d'interprétation. Je connais suffisamment les occidentaux : alors mon cher, combien? Je t'en donne la moitié pour payer la traite. D'accord ? Tope-là » Puis c'est fini, ils ont réparé. Or, selon moi, c'est irréparable.
Le livre s'achève sur une postface qui rattache les écrits de Cesaire à notre actualité et aux problématiques de la postcolonisation. De quoi réfléchir. Cesaire fait partie de ces hommes que nous avons eu la chance d'avoir et de conserver. Je pensais à cela après avoir vu le film sur Ben Barka et acheté le texte de la pièce de théâtre que Cesaire a écrite autour de Lumumba : « Une Saison au Congo ». Deux hommes progressistes, démocrates, intelligents, qui ont été éliminés par des pouvoirs imbéciles et violents. Deux hommes rares qui ont manqué. Aimé Cesaire est bien là. J'ai commencé son recueil de poésies « Les Armes miraculeuses ». Une poésie aux images fortes, riches et colorées. Une poésie violente et sensuelle aussi :
Mes yeux d'encre de chine de Saint-Pierre assassiné
Mes yeux d'exécution sommaire et le dos au mur
Mes yeux qui s'insurgent contre l'édit de grâce
Mes yeux de Saint-Pierre bravant les assassins sous la cendre morte.
En savoir plus le site de l'exposition organisée par l'Unesco. Un autre site avec des extraits de « Carnet du retour au pays natal », son oeuvre phare.
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26/08/2005
Lectures d'été (suite et fin, hélas)
Je le connais aussi via sa fameuse correspondance avec Fellini regroupée dans le livre : Carissimo Simenon - Mon cher Fellini aux éditions des Cahier du Cinéma. Et puis, il y a la légende, celle de l'homme aux aux 400 livres et aux 10000 femmes, le second chiffre étant quelque peu exagéré.
J'ai suivi le conseil : Si un jour vous rencontrez, sur le quai d'une gare ou dans une librairie, un ouvrage de Georges Simenon, n'hésitez pas, vous pourriez tomber sous le charme. J'ai donc, acheté L'Homme Qui Regardait Passer Les Trains, un roman peu connu qui suit de l'intérieur le parcours du hollandais Kees Popinga, sorte de tueur psychopathe raté. Une histoire sombre, à l'atmosphère typique de l'auteur, qui s'achève sur cette phrase : Il n'y a pas de vérité, n'est-ce pas ?
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15/08/2005
Lecture d'été (suite)
Je trouve toujours remarquable de tomber sur des phrases, comme ça, écrites des dizaines de décennies en arrière, et qui sonnent si juste pour nos préoccupations d'aujourd'hui.
Une fois, en Russie, j'ai entendu jouer du Mozart dans une usine. Je l'ai écrit. J'ai reçu deux cent lettres d'injures. Je n'en veux pas à ceux qui préfèrent le beuglant. Ils ne connaissent point d'autre chant. J'en veux au tenancier du beuglant. Je n'aime pas que l'on abime les hommes.
Terre des hommes - Antoine de Saint Exupéry - Gallimard 1939
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08/08/2005
Lecture d'été
Il y a des livres qui, lorsque vous parcourez les rayons d’une librairie, semblent vous lancer un appel aussi muet qu’irrésistible : « achète-moi, tu ne regretteras pas ».
Cela peut tenir à une couverture, une illustration, une couleur, un titre, un format, une texture lorsque les doigts l’effleurent, une odeur, si, si, car les livres ont leur odeur bien à eux.
Bref, lors de ma dernière visite à l’un de mes libraires favoris, le Passeur de l’Isle, à l’Isle sur Sorgues, dans le Vaucluse, j’ai reçu ce genre d’appel de la part de Titanic et autres contes juifs de Bosnie d’Ivo Andric, prix Nobel de littérature en 1961 que j’ignorais totalement.
Le livre est une sorte de compilation de courtes histoires autour de la communauté juive bosniaque, dix récits qui dessinent un siècle d’histoire, depuis l’occupation Austro-hongroise du XIXe siècle jusqu’à la tempête nazie déclenchée en 1941. L’évocation du cimetière juif de Sarajevo, qui ouvre le livre, synthétise cette histoire que l’auteur déchiffre sur les pierres tombales, depuis le souvenir des origines espagnoles (les Sephardim furent chassés d’Andalousie au XVe siècle) jusqu’aux sèches inscriptions de 41-42, ultimes traces avant le grand silence.
Au fil de ces histoires sensibles, tragiques comme le destin de ce peuple, mais non dénuées d’humour et sans complaisance pour les travers de la communauté, on rencontre Mordo Atias, le pharmacien peu loquace dans sa microscopique boutique, Salomon Atias et sa difficulté à exprimer la gratitude des juifs au consul de Napoléon, Mento Papo, le malheureux patron du « Titanic », bistro misérable de Sarajevo, la jeune et belle Rifka, amoureuse malheureuse de l’agent des eaux et forêts Ledenik. Et il y a mon personnage préféré, Lotika, émouvante femme au soir de sa vie, qui a lutté sans succès pour améliorer le sort de sa famille et qui se sent envahie par l’âge et la lassitude. Trop d’espoirs déçus. Elle a pourtant, dans le registre de l’humour, cette répartie admirable, apprenant que son neveu favori vient de rejoindre le parti socialiste :
Il est devenu socialiste ! So-cia-lis-te ! Comme si ce n’était pas suffisant d’être juif. O grand Dieu, Dieu unique, qu’ai-je fait pour que tu me punisses ainsi ? Socialiste !
Ca m’a fait rire.
Titanic, ce sont ainsi dix portraits riches en humanité et d’un style élégant, direct et imagé. Ce sont dix arches élancées d’un pont, de ces ponts de Bosnie « Comme le message solitaire d’un monde lointain et lumineux » (Editions Belfond)
Le livre
22:45 Publié dans Saines lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, Ivo Andric | | del.icio.us | Facebook
26/07/2005
Harry Potter contre l'Humanité
Dangereux criminels !
Il y a peu, lors des procès contre les adeptes de l'échange de musique sur internet, procès qui relèvent du même état d'esprit, à la fois hystériquement commercial et d'un insondable mépris pour le public, un chroniqueur s'amusait en écrivant que l'on serait bientôt poursuivi par la SACEM pour avoir chanté sous sa douche sans reverser de droits. Lamentable dérive d'une société, d'un système où l'art que l'on qualifiera de populaire pour faire gentil, placé jusqu'ici sous le signe de l'échange, est devenu une valeur financière, le livre un placement, la chanson, un portefeuille de dividendes.
« Qu'on imprime mes oeuvres et que je meure de faim » s'écria Eugène Pottier, qui écrivit « l'Internationale » et quelques grandes chansons révolutionnaires. Il est vrai qu'il avait été sur les barricades de la Commune et qu'il avait une autre ambition pour ses chansons que l'auteur de Potter « dont le nom ne mérite pas d'être cité ici » pour ses bouquins.
Quel dommage que le ridicule ne tue pas, ou du moins qu'il n'empêche de nuire. Avec un certain humour, qui masque mal une colère certaine, Richard Stallman, héraut du Logiciel libre (et oui, c'est un peu le même combat), a publié un texte dont vous trouverez la traduction complète et libre sur Framasoft. En voici les premiers paragraphes :
Le 13 juillet 2005, les Canadiens ont reçu l’ordre de ne pas lire des livres qu’on leur avait vendus « par erreur ». Lisez cet article, et n’achetez aucun livre Harry Potter. Quiconque a demandé, rédigé, fait appliquer ou essayé de justifier cette injonction est un ennemi des droits de l’homme au Canada, et chacun mérite de payer pour son implication. Boycotter ces livres servira au moins à punir l’éditeur.
Contrairement à ce dernier, qui exige qu’on ne lise pas ces livres, je me contente d’appeler à ne pas les acheter. Si vous souhaitez les lire, patientez, et vous finirez par tomber sur quelqu’un qui lui en possède un exemplaire. Empruntez-le-lui, ou allez le lire en bibliothèque. Mieux encore, lisez autre chose - des tas d’ouvrages sont tout aussi bons, voire (que quelqu’un ose prétendre le contraire) mieux.
Du même auteur, et pour faire encore plus de cauchemars, je vous conseille ce texte
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05/07/2005
Don Quichotte
En furetant sur la toile, je me suis rendu compte que l'on fêtait cette année le 400e anniversaire de la parution du roman. Les espagnols proposent une route Don Quichote très ellaborée. Une belle idée pour les vacances que d'aller voir les fameux moulins. Finalement, le plus intelligent que j'ai encore à faire, c'est de vous proposer de lire le livre.
L'ingénieux hidalgo, Don Quichotte de la Manche par Miguel de Cervantes Saavedra est disponible ICI. L'édition retenue, qui fait près de mille pages, est celle de la Librairie Hachette, 1978, une édition conforme à la première édition illustrée par Gustave Doré, Hachette, 1863. La traduction et les très nombreuses notes qui accompagnent le texte sont de Louis Viardot.
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