21/11/2006
Chargez !
Texte du poème d’Alfred Tennyson inspiré par le fameux épisode de la charge de la brigade légère, mis en musique par John Addison et interprété par Manfred Mann à l’occasion du beau film de John Richardson en 1968.
1.
Half a league, half a league,
Half a league onward,
All in the valley of Death
Rode the six hundred.
"Forward, the Light Brigade!
"Charge for the guns!" he said:
Into the valley of Death
Rode the six hundred.
2.
"Forward, the Light Brigade!"
Was there a man dismay'd?
Not tho' the soldier knew
Someone had blunder'd:
Their's not to make reply,
Their's not to reason why,
Their's but to do and die:
Into the valley of Death
Rode the six hundred.
3.
Cannon to right of them,
Cannon to left of them,
Cannon in front of them
Volley'd and thunder'd;
Storm'd at with shot and shell,
Boldly they rode and well,
Into the jaws of Death,
Into the mouth of Hell
Rode the six hundred.
4.
Flash'd all their sabres bare,
Flash'd as they turn'd in air,
Sabring the gunners there,
Charging an army, while
All the world wonder'd:
Plunged in the battery-smoke
Right thro' the line they broke;
Cossack and Russian
Reel'd from the sabre stroke
Shatter'd and sunder'd.
Then they rode back, but not
Not the six hundred.
5.
Cannon to right of them,
Cannon to left of them,
Cannon behind them
Volley'd and thunder'd;
Storm'd at with shot and shell,
While horse and hero fell,
They that had fought so well
Came thro' the jaws of Death
Back from the mouth of Hell,
All that was left of them,
Left of six hundred.
6.
When can their glory fade?
O the wild charge they made!
All the world wondered.
Honor the charge they made,
Honor the Light Brigade,
Noble six hundred.
Poems of Alfred Tennyson, J. E. Tilton and Company, Boston, 1870
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18/09/2006
La Vampire est là
Vampirella, Eerie et Creepy sont les titres phares des éditions Warren et des revues cultes de la bande dessinée fantastique des années 70. Ces revues ont repris le principe des célèbres Tales from the crypt en y ajoutant de fortes doses d'érotisme, d'humour noir et d'esprit pop. Vampirella, la vampire venue de l'espace, tout particulièrement est un souvenir émouvant avec sa tenue improbable, ses longues bottes noires et ses courbes sensuelles mises en valeur par des postures lascives ayant inspiré les plus grands noms de l'illustration. Franck Frazetta en tête qui signa la couverture du premier numéro américain. Signalé par une récente note du AAAblog, un site magnifique, n'ayons pas peur des superlatifs, regroupe les couvertures de ces revues mythiques dont les tentatives françaises ne rencontrèrent malheureusement pas le succès escompté. Rien que pour vos yeux, voici la couverture du numéro 24 américain (illustration : Enrich).
J'en profite pour vous présenter ma source : Le AAAblog est l'excellent blog de la librairie AAAPOUM BAPOM spécialisée en bandes-dessinées et sise au 8 de la rue Dante à Paris. Le blog comme la librairie sont tenus par Vald et Steph. J'ai découvert ce blog à l'occasion de mes recherches pour l'article autour du travelling de Kapo publié sur Inisfree cet été. Les voies de la découverte sont parfois étrange, mais il faut dire que les centres d'intérêt de l'AAAblog sont variés. En écrivant ceci, je viens de me rendre compte que je suis déjà entré dans cette librairie, lors de l'une de mes descentes à Paris. Steph, Vlad, nous nous sommes déjà rencontrés.
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15/09/2006
Le plaisir des grands classiques
"...comme si la plénitude de l'âme ne débordait pas quelquefois par les métaphores les plus vides, puisque personne, jamais, ne peut donner l'exacte mesure de ses besoins, ni de ses conceptions, ni de ses douleurs, et que la parole humaine est comme un chaudron fêlé où nous battons des mélodies à faire danser les ours, quand on voudrait attendrir les étoiles. "
Madame Bovary
Gustave Flaubert
Deuxième partie, Chapitre 12
Photographie : Domaine Public
La critique de madame Bovary par Georges Sand
Le livre
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02/09/2006
Les soldats de salamine, un récit réel
Les soldats de Salamine de l'espagnol Javier Cercas est un livre assez étonnant. Non pas de la littérature remarquable mais une forme originale. C'est un « récit réel », trois histoires vraies en fait, et puis aussi l'histoire du livre en train de se faire. Une histoire presque vraie elle aussi.
C'est d'abord l'étrange aventure de Rafael Sanchez Mazas, écrivain, poète, aristocrate, intellectuel, fondateur de la Phalange, ce groupe d'inspiration fasciste qui sera des plus actif dans le déclenchement du coup d'état de Francisco Franco en 1936 et qui, plus tard, sera l'un des piliers du régime. Sanchez Mazas, lui, vivra la guerre planqué à l'ambassade du Chili de madrid assiégée, puis après une tentative rocambolesque, sera prisonnier à Barcelone et fusillé dans les dernières semaines de la guerre civile. Mais il survit à son exécution, s'échappe à la faveur de la confusion, se cache et est alors découvert par un soldat républicain. Celui-ci lui jette un long regard et, en réponse à un appel de ses camarades dit : « Par ici, il n'y a personne ». Puis il s'en va. Sanchez Mazas mourra en 1966 sans être devenu un grand écrivain.
C'est ensuite l'histoire de Javier Cercas, journaliste ayant renoncé à la littérature, qui entend cette histoire, la creuse, en se disant qu'il y a quelque chose à comprendre dans le regard du républicain au phalangiste. Il enquête et, petit à petit sent un livre naître en lui, poussé par son amie, Conchi, que l'on imagine bien sortie d'un film d'Almodovar, et par un écrivain chilien exilé. Cercas tâtonne, découvre, hésite, raconte par le menu son travail de réflexion qui aboutit au texte central : les soldats de Salamine. Mais le texte est bancal, c'est à dire qu'il est bien écrit mais que sa conclusion mélancolique, amère, laisse une impression d'inachevé. Il faut une troisième histoire.
Ce sera celle de Miralles, apprenti tourneur catalan, recruté à 18 ans par l'armée républicaine. Il fera tout la guerre sous le commandement du fameux général Lister. Il devient communiste. Il est sur l'Ebre, à Teruel, à Belchite. En 1939, il passe en France, se retrouve dans le camps de concentration pour républicains espagnols d'Argeles, s'engage dans la légion étrangère. La France entre en guerre, et Miralles part dans l'aventure folle de Leclerc, traverser la moitié de l'Afrique pour créer la France libre. Miralles sera de toute cette guerre aussi, L'Afrique, la Normandie, il entre dans Paris avec la 2eme DB le 24 août. « Gualajara », « Teruel », « Madrid » étaient parmis les noms des premiers blindés à enter dans la ville. Il saute sur une mine en Autriche mais survit et devient un paisible retraité. Petit à petit, Cercas comprend qu'il est le véritable héros et en vient à croire que, peut être, c'est lui le républicain qui a épargné Sanchez Mazas. Cercas est au bout de sa quête littéraire et humaine.
« [...] Je vis Miralles marcher à travers le désert de Lybie vers l'oasis de Murzuch, jeune, déguenillé, poussiéreux et anonyme, brandissant le drapeau tricolore d'un pays qui n'est pas le sien, d'un pays qui est tous les pays à la fois et aussi celui de la liberté et qui n'existe que parce que lui et quatre maures et un noir ne cessent de le brandir, tout en continuant à marcher de l'avant, de l'avant, toujours de l'avant. »
Ca fait du bien.
Rencontre avec les traducteurs du livre ICI.
Une chanson : Ya sabes me paradero
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12/07/2006
Les cafards et les vautours
Scholastique Mukasonga écrit aussi. Elle vient de publier Inyenzi ou les cafards (Éditions Gallimard), un récit qui bouleverse et qui apprend aussi le quotidien des Tutsis depuis l'indépendance, un récit qui montre avec simplicité et force que la violence était là depuis le début et que ce génocide n'est un point d'aboutissement longtemps mûrit à l'ombre de la haine. Ce livre, elle l'a voulu comme « un tombeau de papier » pour tous les siens, toute sa communauté décimée à Nyamata. Pour que nous ne les oublions pas. Pour que nous n'oublions pas. C'est un livre de deuil. Un livre de survivant, comme ceux de Primo Levi ou d'Imre Kertesz. Un livre précieux.
Scholastique Mukasonga a aussi ouvert un blog, bonne idée, pour échanger avec ses lecteurs. Le blog est ICI.
Scholastic avec un c est un gros groupe d'édition américain. Ce sont eux qui éditent, entre autres, les magnifiques aventures de Harry Potter qui vit dans un monde (presque) merveilleux où il n'y a pas de génocide, de famine ou de misère mais où il y a des droits. Ah mais, le Canard Enchaîné d'aujourd'hui nous apprends que l'on ne rigole pas avec les questions de droits. Les Éditions Scholastic touts droits réservés sur le c, ont intimé l'ordre à la dangereuse contrevenante de fermer son blog. On a pas idée de s'appeler Scholastique, même si l'on est rwandaise et que l'on fait un travail de deuil. On croit rêver quand on lit cela, quelle honte ! Quel dévoiement des valeurs humaines les plus élémentaires pour en arriver à intenter une telle démarche (Il y a des coups de boule qui se perdent). Voici pourquoi, au moment même où un recours est déposé contre la loi DADVSI, il ne faut cesser de lutter contre la tyrannie des marques, des logos, des copyrights et de leur logique poussée à ce point de l'absurde et de l'indigne.
Cher lecteur qui passe et s'arrête un instant sur ce texte, passe donner un mot d'encouragement à Scholastique et si tu le souhaite, le fond de ta pensée aux Éditions presque homonymes (news@scholastic.com).
Le livre sur la boutique
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23/06/2006
Voix endormies
L'écrivain Dulce Chacon est morte trop tôt, en 2003, mais elle aura eu le temps de terminer son ultime livre, Voix endormies (La voz dormida), et d'apprécier son énorme succès public et critique en Espagne. Un livre qui conclut une oeuvre engagée dans laquelle la mémoire de la guerre civile espagnole tient une place primordiale. Un livre qui sera sortit à point au moment où le pays a entrepris d'affronter son passé, de faire le deuil enfin, après 35 années de dictature franquiste et une longue période où un voile de silence gêné était de rigueur. Voix endormies donne la parole à une demi-douzaine de femmes. Syndicalistes, républicaines, communistes, simples citoyennes, elles payent le prix de la défaite dans les prisons et face aux pelotons d'exécution de Franco. Elles s'appellent Elvira, Pepita, Hortensia, Reme, Tomasa et ont souvent pris les armes pour lutter aux côtés de leurs frères, leurs pères, leurs maris, leurs amants. Et souvent sont tombées à leurs cotés.
Elle s'était déjà habituée à parler à voix basse. Non sans effort, mais elle s'y était habituée. Et elle s'était aussi habituée à ne pas se poser de questions, à accepter que la défaite s'enfouisse au fond, au plus profond d'elle-même, sans demander la permission, et sans donner d'explications. Et elle avait faim, et froid, et elle avait mal aux genoux, mais elle ne pouvait pas s'arrêter de rire.
Elle riait.
De 1939 aux années 60, elle devront surmonter l'humiliation de la défaite, la prison, la torture, l'exil et la mort de leurs proches. Elles devront apprendre à lutter autrement, à transmettre leur engagement républicain à travers les années sombres et à garder l'espoir d'un futur meilleur. Écrit avec pudeur, fougue et simplicité, le livre de Dulce Chacon redonne une voix vibrante à celles qui lui ont raconté, à voix basse encore, leur histoire. Une histoire de courage et de mémoire. Elle fait revivre certains évènements peu connus. L'exécution des 13 roses, 13 mineures exécutées en représailles de l'éxécution d'un officier le 4 août 1939 à la prison de Las Ventas. La guérilla communiste qui se poursuivit jusqu'à la fin de la seconde guerre mondiale avec l'espoir que les vainqueurs de Mussolini et de Hitler viendraient s'occuper de Franco. L'épisode du Val d'Aran, en 1944, ultime tentative d'envergure de la guérilla qui échoua piteusement.
A partir d'un long travail d'investigation, Dulce Chacon a bâtit une trame dramatique enchevêtrant les intrigues dans lesquelles chacune de ces femmes illustre un aspect de la condition de toutes les femmes républicaines espagnoles. Avec deux figures marquantes : Hortensia, la femme qui allait mourir, obtenant un sursis pour que son enfant puisse venir au monde et Pepita, la jeune femme aux yeux si bleus, incarnation même de l'esprit de résistance. J'émettrais juste un bémol à ce livre fort, quand bien même l'environnement historique le justifierait, la forte représentation du partit communiste sans critique excessive. Après avoir lu Orwell et vu Loach, j'ai regretté qu'anarchistes et socialistes soient absents de ces pages (mis à part une peu sympathique blonde). Ils avaient sûrement des femmes dans leurs rangs.
Affiche de Sim (Rey Vila) tirée du livre Les affiches des combattant-e-s de la Liberté ! (Éditions Libertaires et les Éditions du Monde Libertaire )
Pistes :
Un extrait (les premières pages)
Un article du Monde Diplomatique
Le livre sur la Boutique
Le site Espana36 sur la guerre civile
06:30 Publié dans Saines lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, espagne | | del.icio.us | Facebook
21/06/2006
Espagne 1936 - 2006
On a peine aujourd'hui à se souvenir de ce l'Espagne a représenté pour les libéraux et les hommes de gauche des années 1930, alors même que pour nombre d'entre nous, les survivants, qui avons dépassé l'espérance de vie biblique, elle demeure la seule cause politique qui, même avec le recul, paraisse aussi pure et irrésistible qu'en 1936.
Eric J.Hobsawm
l'Âge des extrêmes
Histoire du court XXe siècle
Editions Complexe
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06/06/2006
Charlie blasphème !
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29/04/2006
Autres chroniques
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19/04/2006
Travail et vacances
Quel que soit son régime économique, la civilisation industrielle n’a jamais été capable de dire : « Ralentissons, nous avons assez de produits, travaillons moins ».
Cette belle phrase est tirée d'un entretien avec Claude Levi-Strauss paru dans Le Nouvel Observateur n°74 du 13 avril 1966 et repris dans les archives du site. Je vous en conseille la lecture méditative et ose le rapprocher, puisque l'on parle de travail, de ce texte d'Alina Reyes "Vertu de la précarité" qui n'a eu que le tort de paraître dans Metro mais dans une version raccourcie. Préférons celle parue sur son blog.
Alors elle [la précarité], la condition primitive de l’homme, devient tout simplement le mode idéal d’existence, le seul mode d’existence et de vie possibles, la seule révolution permanente.
12:36 Publié dans Saines lectures | Lien permanent | Commentaires (1) | | del.icio.us | Facebook
21/03/2006
Ce qui est précieux
Technorati Profile
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05/02/2006
Zweig
"Malgré tout ce qui chaque jour me hurle aux oreilles, malgré tout ce que moi-même et d'innombrables compagnons d'infortune avons souffert d'humiliation et d'épreuves, Il ne m'est pas possible de renier tout à fait la foi de ma jeunesse en un nouveau redressement, malgré tout, malgré tout. Même de l'abîme de terreur où nous allons aujourd'hui à tâtons, à demi aveugles, l'âme bouleversée et brisée, je ne cesse de relever les yeux vers ces anciennes constellations qui resplendissaient sur ma jeunesse et me console avec la confiance héritée de mes pères qu'un jour cette rechute ne paraîtra qu'un intervalle dans le rythme éternel d'une irrésistible progression"
Stefan Zweig (Le Monde d'Hier)
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06/01/2006
Poésie pour la nouvelle année
Il meurt lentement
celui qui ne voyage pas,
celui qui ne lit pas,
celui qui n’écoute pas de musique,
celui qui ne sait pas trouver
grâce à ses yeux.
Il meurt lentement
celui qui détruit son amour-propre,
celui qui ne se laisse jamais aider.
Il meurt lentement
celui qui devient esclave de l'habitude
refaisant tous les jours les mêmes chemins,
celui qui ne change jamais de repère,
Ne se risque jamais à changer la couleur
de ses vêtements
Ou qui ne parle jamais à un inconnu
Il meurt lentement
celui qui évite la passion
et son tourbillon d'émotions
celles qui redonnent la lumière dans les yeux
et réparent les coeurs blessés
Il meurt lentement
celui qui ne change pas de cap
lorsqu'il est malheureux
au travail ou en amour,
celui qui ne prend pas de risques
pour réaliser ses rêves,
celui qui, pas une seule fois dans sa vie,
n'a fui les conseils sensés.
Vis maintenant!
Risque-toi aujourd'hui!
Agis tout de suite!
Ne te laisse pas mourir lentement!
Ne te prive pas d'être heureux!
Pablo Neruda Prix Nobel de Littérature
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23/12/2005
Manu Larcenet
Bonne nouvelle, excellente nouvelle, même, Manu Larcenet, auteur de petits miquets vient de terminer le troisième tome du « Combat Ordinaire ». C'est lui-même qui l'annonce sur son blog, un blog tout jeune, plein de dessins forcément, et de son humour de proximité. Manu Larcenet, je voulais écrire dessus depuis un moment. C'est même pour écrire sur des gens comme lui, pour partager le plaisir intense qu'ils me donnent avec leur travail que j'ai ouvert l'Hispaniola. Il est devenu pour moi, depuis que je l'ai découvert avec « Le Retour à la terre » un de mes auteurs de chevet entre Sfar et Stassens.
Risquons la comparaison, Larcenet, c'est un peu Franquin. Ouf ! Si, comme lui, son style est immédiatement identifiable, nerveux dans le trait à la fois fouillé et lisible, percutant dans l'humour, un humour qui peut se faire tour à tour tendre, burlesque, grinçant ou du plus beau noir. Comme lui, il travaille beaucoup, enchaînant séries et collaborations, dessins et crobards de toutes sortes. Comme lui, si les situations et les détails sont réalistes, l'univers de ses histoires avec leurs personnages aux gros nez sont toujours dans la fantaisie. Comme lui, il utilise des éléments autobiographiques : ses collègues dessinateurs, son éditeur, lui-même. Comme lui, il s'adresse aux petits et aux grands et il aime dessiner des chats dingues et des oiseaux.
Manu Larcenet est aussi un auteur en prise sur son époque. Si je pense aux artistes représentatifs de ma génération, son nomme vient spontanément à l'esprit, bien plus que ceux d'écrivains sur lesquels je n'ai aucune envie de revenir. Comme chez, disons Miossec, Benabar ou Noir Désir pour la chanson, Podalydes, Despleschin ou Lioret pour le cinéma, je retrouve les même préoccupations, la même justesse d'observation, un même état d'esprit, des thématiques qui se recoupent souvent. Larcenet pourrait dessiner « Le vélo » de Bénabar et Miossec chanter les aventures du héros du « Combat Ordinaire ». Enfin, je crois.
Ce que j'aime beaucoup chez lui et d'une façon générale, c'est la rupture de ton. Personnages et situations peuvent basculer du drame à la comédie en deux cases. Ce qui est drôle dissimule mal les angoisses. Ce qui est grave est désamorcé par un éclat de rire. Un exemple parmi cent : l'influence du Boulaouane sur les deux frères du « Combat ordinaire ». Ou encore, plus fort, la blague terrible que fait le père en faisant croire à son fils qu'il a perdu la mémoire alors qu'il est vraiment atteint de la maladie du « sieur Alzheimer ». Ces ruptures brusques, ce sont le reflet des contradictions de notre époque. Contrastes énormes, vertiges existentiels. Difficulté d'aller de l'avant dans un monde trop grand, et absolue nécessité de le faire. Trouver l'apaisement, chercher l'harmonie et faire vivre l'espoir. L'objectif de ses personnages est tout tracé, même s'ils y rechignent. En cela, Larcenet illustre une nouvelle fois les pessimistes en paroles qui se révèlent des optimistes en actes.
Dans la sage du « Retour à la terre », Larssinet, dessinateur issus d'une banlieue typique débarque avec sa casquette, son chat traumatisé, ses ordinateurs et sa compagne aux Ravenelles, sorte de Champignac en Cambrousse. Il doit trouver le moyen de s'intégrer dans ce pur coin de terroir avec ses autochtones pittoresques, leurs fêtes du cochon et leurs eaux de vie redoutables. Il doit surtout dépasser l'adolescence attardée et fonder enfin une véritable famille. Il doit jeter ses cartons, prendre des responsabilités dans la communauté et, aboutissement logique, devenir père en suivant les conseils de Laurence Pernoud ®.
Dans ce qui est pour moi son oeuvre la plus aboutie, tout à la fois la plus ambitieuse et la plus belle, « Le Combat ordinaire », Marco, photographe, est confronté à plusieurs dilemmes majeurs. Exposer avec un homme qu'il admire mais qui se révèle un beau salaud. Protéger son indépendance tout en s'impliquant dans une véritable relation amoureuse. Apprendre à vivre avec les gens sans les juger. Il y a deux très beaux épisodes. Dans le premier, il développe une amitié avec un vieil homme débonnaire qui se révèle avoir été officier et tortionnaire en Algérie. L'homme dit avoir changé et demande simplement que ce soit accepté. Dans le second, variation sur le même thème, il photographie des amis de son père, ouvriers sur un chantier naval. Alors qu'il essaye de leur donner par son travail une certaine dignité, il apprend que l'un d'eux a voté Front National en avril 2002. Mais il est toujours le fidèle compagnon de chantier. Marco doit dépasser les clichés et accepter les contradictions. Accepter les hommes tels qu'ils sont.
Larcenet, ce sont aussi des albums plus franchement comiques, l'homme a fait ses débuts à Fluide Glacial quand même. Il y aura créé Bill Baroud, Pédro le Coati, exploré la vie secrète des super héros injustement méconnus, et livré récemment un guide de la survie en entreprise qui se révèle bien utile. Sortit également il y a peu (2003), « La Légende de Robin des Bois », bande étonnante qui nous montre un Robin vieillit, atteint par Alzheimer lui aussi, braillant des chansons populaires dans la forêt de Rambouillet et traquant le touriste comme les brebis du Génie des Alpages. Plein d'autres encore, Larcenet travaille beaucoup pour notre plus grand plaisir.
Apprenez en plus sur le site « pas officiel » mais très complet. Quatre albums sont prévus pour 2006. Maximum bamboule !
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21/12/2005
Aimé Cesaire
Je suis venu tout récemment à Aimé Cesaire via Gaston Keljman et son livre « Je Suis Noir et Je N'aime Pas le Manioc » qui le cite fréquemment. De Cesaire, je connaissais le nom mais ni l'homme ni son oeuvre. Martiniquais, Maire de Fort de France pendant 56 ans, poète, député et rapporteur de la loi faisant des colonies de Guadeloupe, Guyane Française, Martinique et la Réunion, des Départements Français en 1946, créateur de la revue Tropiques, théoricien de la négritude, communiste lucide donc démissionnaire, homme de théâtre, patriarche respecté, il est aussi l'homme qui vient de refuser de recevoir Nicolas Sarkozy. Total respect comme on dit à Juvisy.
Au moment où, après la crise des banlieues et la mauvaise digestion par la France de son passé colonial, le débat revient vivement sur les valeurs fondamentales de notre république, la parole de Aimé Cesaire est précieuse.
Il s'agit de savoir si nous croyons à l'homme et si nous croyons à ce que l'on appelle les droits de l'homme. A liberté, égalité, fraternité, j'ajoute toujours identité. Car, oui, nous y avons droit.
Ces paroles sonnent juste. Coïncidence, vient de sortir un livre « Nègre je suis, Nègre je resterais », livre d'entretien avec Françoise Vergès, réunionaise, professeur de science politiques à l'université de Londres et vice-présidente du Comité pour la mémoire de l'esclavage. Sur ce sujet :
La réparation, c'est une affaire d'interprétation. Je connais suffisamment les occidentaux : alors mon cher, combien? Je t'en donne la moitié pour payer la traite. D'accord ? Tope-là » Puis c'est fini, ils ont réparé. Or, selon moi, c'est irréparable.
Le livre s'achève sur une postface qui rattache les écrits de Cesaire à notre actualité et aux problématiques de la postcolonisation. De quoi réfléchir. Cesaire fait partie de ces hommes que nous avons eu la chance d'avoir et de conserver. Je pensais à cela après avoir vu le film sur Ben Barka et acheté le texte de la pièce de théâtre que Cesaire a écrite autour de Lumumba : « Une Saison au Congo ». Deux hommes progressistes, démocrates, intelligents, qui ont été éliminés par des pouvoirs imbéciles et violents. Deux hommes rares qui ont manqué. Aimé Cesaire est bien là. J'ai commencé son recueil de poésies « Les Armes miraculeuses ». Une poésie aux images fortes, riches et colorées. Une poésie violente et sensuelle aussi :
Mes yeux d'encre de chine de Saint-Pierre assassiné
Mes yeux d'exécution sommaire et le dos au mur
Mes yeux qui s'insurgent contre l'édit de grâce
Mes yeux de Saint-Pierre bravant les assassins sous la cendre morte.
En savoir plus le site de l'exposition organisée par l'Unesco. Un autre site avec des extraits de « Carnet du retour au pays natal », son oeuvre phare.
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29/11/2005
Paresse Dada
Comme Fuligineuse, j’ai visité l’exposition Dada au Centre Pompidou à Paris. C’était mi octobre, juste avant les Rencontres, il faisait un temps superbe et quelque part rien que la vue sur Paris dans cette extraordinaire lumière si limpide, ça valait le coup. Sur l’exposition, ça m’a laissé une impression mitigée. J’ai eu beaucoup de plaisir à découvrir des œuvres que je ne connaissais que par des photographies, par leur réputation : Le Fer de Man Ray, la musique d’ameublement de Satie, la Joconde et l’urinoir de Duchamp… La projection d’Entracte de René Clair fait toujours plaisir aussi. Mais, bon, ce qui fait bizarre, c’est de retrouver toutes ces œuvres faites dans un esprit de contestation de l’ordre établi réunies dans une exposition si bien ordonnée. A découvrir tous ces programmes farfelus, ces plaisanteries artistiques, ces affiches en forme de poire, je me dis que leurs auteurs doivent se sentir un petit peu trahis. Qu’aurait-il fallu faire ? Je ne sais pas. Au moins, Que l’esprit qui souffle / Guidera leurs pas. Dans l’espace bibliothèque, j’ai toujours découvert l’Apologie de la paresse, un court texte poétique de Clément Pansaers écrit en 1917 et paru initialement en 1921 aux éditions bien nommées « Ca ira ! » à Anvers, un an avant le décès de son auteur. …
...Tout ce qui vit cagnarde
L’homme seul reste forçat
Entends-tu la joie diaphane
Des grands libertaires ?
Clément Pansaers a été un artiste inclassable, d’origine flamande mais d’expression française, doué semble-t’il de nombreux talents artistiques : gravure, peinture et poésie. Précurseur et représentant du mouvement dada en Belgique, il a fait preuve d’un bel esprit d’indépendance sur le fond comme sur la forme y compris vis-à-vis des divers mouvements artistiques de l’époque. Ainsi cet écrit qui puise ses racines tout autant dans Lautréamont pour la liberté d’écriture et l’esprit poétique, que dans l’incontournable Le droit à la paresse de Paul Lafargue (secrétaire et gendre de Karl Marx) pour le fond. S’il a la même puissance iconoclaste que le texte de Lafargue, Il reste pure poésie et une adresse directe à ce qui est pour lui une vertu et qu’il voit tour à tour comme une prostituée, une déesse, un état idéal. Adresse et aussi invitation au lecteur. L’écriture est recherchée et le vocabulaire d’une grande érudition. On sent l’amour des mots à chaque page. L’humour est constamment présent et les images riches comme issues de ces jeux de mots chers à dada comme aux surréalistes. On pourrait penser à de l’écriture automatique si ce n’était la précision gourmande des phrases. Il est bien connu de Lafargue à Corinne Maier que la paresse véritable demande le plus exigeant des travails.
…Je paresse…
Le fier mutisme indifférent du poisson dans l’eau.
La silencieuse insouciance de l’escargot sous la feuillée.
Je sens les arômes de la miellée…
Les arbres déambulent.
Le soleil broute l’herbe.
Feinte nonchalance. L’esprit se mêle à la forme. Le rythme et les sons choisis des mots embarquent dans une douce rêverie. Je paresse aussi.
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03/10/2005
En librairie
Je me suis rendu dans l'une de mes librairies favorites, ce week end. Dialogue :
- Est-ce que vous auriez les ouvrages de Béatrix Potter ?
- Mais vous plaisantez ? Me dit-elle en désigant une grosse pile d'ouvrages juste sous mon nez
- Non. Béatrix Potter. Pas Harry.
- Oh ! Mon dieu, excusez moi, dit-elle en rougissant.
Elle me l'a dit de nouveau deux fois tout en m'emballant "Les Aventures de Pierre Lapin". Vraiment confuse. Donc vraiment une bonne libraire.
A parcourir les rayons et à lire de nombreux blogs, j'ai l'impression qu'il n'y a que deux écrivains en France : Houellebecq et Dantec. Le dernier livre du premier sort un peu comme le dernier Harry Potter. J'ai lu ceci sur le second pour ne pas mourir idiot. Je me suis donc acheté une intégrale de Jean Patrick Manchette.
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15/09/2005
J'adore Jacques Tardi
J'adore Tardi. J'apprécie son goût pour le noir et blanc, son trait à la fois classique façon ligne claire et moderne. J'aime son sens du détail, la justesse des expressions et des mouvements. Je partage, disons assez largement, ses valeurs, son discours politique, un peu anar, antimilitariste et anticlérical. Même s'il y va parfois à gros traits, il me fait toujours rire. Je partage aussi sa fascination pour l'Histoire, la Commune et la Grande Guerre en particulier, qui sont bien deux évènements capitaux pour comprendre notre monde d'aujourd'hui. J'aime aussi ses personnages, leur façon d'être décontracté comme Burma ou Adèle, leur réticences parfois à vivre l'histoire dans laquelle ils évoluent. Cela donne de jolis moments : « ça ne m'intéresse pas » ou encore « ca suffit, je rentre chez moi ». J'aime ses références visuelles à Jules Verne, les machines impossibles des aventures d'Adèle et du démon des glaces. J'aime son sens de l'aventure et du feuilleton. Adèle où la Commune, c'est Dumas ! Et puis j'aime aussi sons sens de l'épopée. Sa Commune est la même que celle de Watkins, une grande aventure tragique et politique qui fait vibrer. J'aime enfin sa prédilection à mêler la bande dessinée avec la littérature et le cinéma, son travail avec Daeninckx et Pennac, ses adaptations de Céline, Vautrin, Malet et aujourd'hui, Manchette.
Sort en effet Le Petit Bleu de la Côte Ouest dont Deray avait tiré Trois Hommes à Abattre avec Delon. Film moyen mais l'un des meilleurs (si ce n'est le meilleur) des romans noirs de Manchette.
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26/08/2005
Lectures d'été (suite et fin, hélas)
Je le connais aussi via sa fameuse correspondance avec Fellini regroupée dans le livre : Carissimo Simenon - Mon cher Fellini aux éditions des Cahier du Cinéma. Et puis, il y a la légende, celle de l'homme aux aux 400 livres et aux 10000 femmes, le second chiffre étant quelque peu exagéré.
J'ai suivi le conseil : Si un jour vous rencontrez, sur le quai d'une gare ou dans une librairie, un ouvrage de Georges Simenon, n'hésitez pas, vous pourriez tomber sous le charme. J'ai donc, acheté L'Homme Qui Regardait Passer Les Trains, un roman peu connu qui suit de l'intérieur le parcours du hollandais Kees Popinga, sorte de tueur psychopathe raté. Une histoire sombre, à l'atmosphère typique de l'auteur, qui s'achève sur cette phrase : Il n'y a pas de vérité, n'est-ce pas ?
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15/08/2005
Lecture d'été (suite)
Je trouve toujours remarquable de tomber sur des phrases, comme ça, écrites des dizaines de décennies en arrière, et qui sonnent si juste pour nos préoccupations d'aujourd'hui.
Une fois, en Russie, j'ai entendu jouer du Mozart dans une usine. Je l'ai écrit. J'ai reçu deux cent lettres d'injures. Je n'en veux pas à ceux qui préfèrent le beuglant. Ils ne connaissent point d'autre chant. J'en veux au tenancier du beuglant. Je n'aime pas que l'on abime les hommes.
Terre des hommes - Antoine de Saint Exupéry - Gallimard 1939
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